Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/273

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Parfois, lorsque je regarde la sentinelle qui fait d’un air ennuyé la ronde autour du camp, je me fais la réflexion que les soldats qui nous gardent sont un peu les prisonniers des prisonniers ! En effet, ils sont tenus à nous surveiller nuit et jour, à ne pas nous quitter un instant, à avoir soin de nous, à se préoccuper de nous, à penser à nous… C’est pour cela qu’à la longue, entre ces deux éléments si différents et apparemment adverses et contraires, les prisonniers et leurs gardiens, il se crée une sorte de symbiose.

Combien de fois il m’est arrivé, lorsque j’étais à l’hôpital, de recevoir tard dans la nuit la visite d’un soldat malade ou blessé. Je faisais alors appeler immédiatement un des médecins internés et il était soigné avec toute la sollicitude possible. Le lendemain, le M. O. informé du fait exprimait sa reconnaissance.

Mon souvenir évoque en ce moment tous les soldats d’âges et de grades différents qui nous ont gardés depuis le jour où nous avons quitté la prison de la Sûreté Provinciale de Montréal jusqu’au moment de ma libération, et, franchement, il m’est difficile de ne pas reconnaître que tous m’ont traité d’une manière simple, empreinte d’humanité.