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NOCTURNE

je pense ne jamais pouvoir surmonter mon désespoir. Puis, au zénith, le ciel se tinte d’une lueur légère. La masse sombre de la nuit se recompose en un soupçon de forme. Graduellement, cette forme se précise, prend des contours. Les cimes des arbres dessinent de nouveau leur broderie verte sur l’immense métier de la voûte céleste.

Toute la nature, pareille à une vieille coquette, fait sa toilette pour recevoir le jour nouveau. Le lac, pareil à un retardataire qui craint d’arriver trop tard à un rendez-vous, lance en l’air, par couches successives, l’épais édredon de brouillard sous lequel il s’est couché. D’une branche à l’autre, le gazouillis des oiseaux emplit l’espace de vibrations sonores. De faibles cris gutturaux annoncent que les petits écureuils nous attendent. Au-delà des dernières baraques, le soleil éclate soudain, déchirant les derniers nuages qui s’opposaient à son apparition.

Le jour est venu, clair, net, frais, pur ! Et avec lui la fin du cauchemar nocturne auquel peu d’entre nous ont pu se soustraire. Alors, je me reprends à croire en moi, en l’avenir et en la réalité des choses qui m’environnent. Ce que je vis n’est qu’une parenthèse, une courte mais bien pénible parenthèse dans mon existence, épreuve qu’il faut accepter avec sérénité, fermeté et, surtout, avec une patience résignée.

La loi fatale qui règle les choses de ce monde veut qu’à[1] chaque action corresponde une réaction et qu’à tout événement contraire fasse pendant un événement favorable. La minute où tout sera rétabli dans le monde pour que re-

  1. [Note de Wikisource] Dans l’impression originale, la deuxième et la quatrième ligne de ce paragraphe ont été inversées. Le texte est ici rétabli dans le bon ordre.