Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
INFIRMIER

chacun accueille avec mauvaise humeur la nouvelle de son prochain départ.

Il y a même mieux.

La semaine dernière, quatre lits étaient occupés. Il s’agissait de maladies relativement bénignes. À la dernière minute arriva un malade souffrant d’une bronchite. Il fut accueilli par les autres comme un chien dans un jeu de quilles. Finalement, deux d’entre eux vinrent me voir :

— Il y a cet homme qui tousse à fendre l’âme et qui crache tout le temps…

— Je le sais. Le malheureux est malade.

— Oui, on comprend… mais ne pourrait-on pas… ?

Pour un peu ils auraient voulu que je misse le vrai malade à la porte pour les garder, eux qui ne l’étaient qu’à demi. Ah ! quand l’égoïsme humain veut faire des siennes !

Ce n’est pas seulement à l’infirmerie que toutes les valeurs sont renversées. Il en va de même au dispensaire, véritable kaléidoscope de la petite ville.

Dès le matin, le docteur de service arrive. Il examine les malades hospitalisés. Puis voici les autres qui arrivent un à un, chacun apportant le dernier potin ou la dernière rumeur qui circule dans sa baraque. Pendant dix minutes, on dirait le Café du Commerce de la petite ville avec ses cancans, ses discussions et ses confidences.

Après le défilé des malades et des indisposés devant le médecin militaire, commence la distribution des médicaments et cette scène se poursuit durant tout le reste de la journée transformant une partie de l’hôpital en une véri-