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INFIRMIER

Il vient régulièrement à la visite, chaque jour, qu’il pleuve ou qu’il vente n’importe. Une seule fois, il ne s’est pas montré, mercredi dernier ; ce jour-là, il devait être réellement malade.

Avant-hier, nous avons été tenus toute la journée sur les dents. Un rôti de porc sur la fraîcheur duquel il y a eu contestation a provoqué une épidémie de coliques ? En deux heures, nous avons distribué plus de deux cents doses de bismuth et presque autant d’huile de ricin. J’ai fini par constater que cet honnête purgatif de nos grand’mères présenté pur au fond d’un verre dans sa couleur jaunâtre manquait d’attrait. Une petite mise en scène ici encore s’imposait. Avec l’autorisation du médecin de service, je me suis permis d’innover. J’ai mélangé l’huile de ricin avec de la cascara et du lait de magnésie. Les trois liquides, le jaune, le blanc et le noir, en couches superposées, font un bel effet. Un effet qui devient puissant après l’ingurgitation. J’ai appelé cela « le cocktail suprême Turcotte », du nom de l’entrepreneur des vidanges de la petite ville. Ce fut un succès.

À présent on en redemande. L’article est lancé.


***


Nous eûmes à l’hôpital comme médecin militaire pendant tout un hiver un lieutenant pince-sans-rire qui aimait bavarder en français avec moi. Il s’était aperçu que tout le problème des visites du matin reposait sur le désir de nombre d’internés de « couper » aux corvées et au travail