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ASCANIO.

beaux cheveux blonds, son teint si blanc, sa taille si fine. Si j’étais peintre, je la mettrais dans tous mes tableaux, comme faisait Sanzio pour la Fornarine, et André del Sarto pour la Lucrèce. Et quelle différence entre elle et la Fornarine ! c’est-à-dire que ni l’une ni l’autre ne sont dignes de dénouer les cordons de ses souliers. D’abord la Fornarine…

Le jeune homme n’était pas au bout de ses comparaisons, tout à l’avantage, comme on le comprend bien, de sa maîtresse, lorsque l’heure sonna.

On releva la seconde sentinelle.

— Six heures. C’est étrange comme le temps passe vite ! murmura le jeune homme, et s’il passe ainsi à l’attendre, comment doit-il donc passer près d’elle ! Oh ! près d’elle il n’y a plus de temps, c’est le paradis. Si j’étais près d’elle, je la regarderais, et les heures, les jours, les mois, la vif^, passeraient ainsi. Quelle heureuse vie serait celle-là, mon Dieu ! Et le jeune homme resta en extase, car devant ses yeux d’artiste sa maîtresse quoique absente passa en réalité.

On releva la troisième sentinelle.

Huit heures sonnaient à toutes les paroisses, et l’ombre commençait à descendre, car tout nous autorise à penser qu’il y a trois cents ans la brune se faisait en juillet vers les huit heures, absolument comme de nos jours ; mais ce qui étonnera davantage peut-être, c’est la fabuleuse persévérance des amans du seizième siècle. Tout était puissant alors, et les âmes jeunes et vigoureuses ne s’arrêtaient pas plus à moitié chemin en amour qu’en art et en guerre.

Du reste, la patience du jeune artiste, car maintenant nous connaissons sa profession, fut enfin récompensée