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ASCANIO.

Mais pas d’orfèvrerie comme nous l’entendons de nos Jours : l’orfèvrerie aujourd’hui est un métier ; autrefois l’orfèvrerie était un art.

Aussi rien n’était merveilleux comme ces boutiques ou plutôt comme les objets qui les garnissaient : c’étaient des coupes d’onyx arrondies, autour desquelles rampaient des queues de dragons, tandis que les têtes et les corps de ces animaux fantastiques, se dressant en face l’un de l’autre, étendaient leurs ailes azurées tout étoilées d’or, et, la gueule ouverte comme des chimères, se menaçaient avec leurs yeux de rubis. C’étaient des aiguières d’agate au pied desquelles s’enroulait un feston de lierre qui, remontant en forme d’anse, s’arrondissait bien au-dessus de son orifice, cachant au milieu de ses feuilles d’émeraude quelque merveilleux oiseau des tropiques tout habillé d’émail, et qui semblait vive et prêt à chanter. C’étaient des urnes de lapis-lazuli dans lesquelles se penchaient, comme pour boire, deux lézards si habilement ciselés qu’on eût cru voir les reflets changeans de leur cuirasse d’or, et qu’on eût pu penser qu’au moindre bruit ils allaient fuir et se réfugier dans quelque gerçure de la muraille. C’étaient encore des calices, des ostensoirs, des médailles de bronze, d’argent, d’or ; tout cela émaillé de pierres précieuses, comme si, à cette époque, les rubis, les topazes, les escarboucles et les diamans, se trouvaient en fouillant le sable des rivières, ou en soulevant la poussière des chemins ; c’étaient enfin des nymphes, des naïades, des dieux, des déesses, tout un Olympe resplendissant, mêlé à des crucifix, à des croix, à des calvaires ; des Mater dolorosa et des Vénus, des Christs et des Apollons, des Jupiters lançant la foudre, et des Jehovahs créant le monde ; et tout cela, non seulement