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Page:Dumas, Ascanio, t2, 1860.djvu/321

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ASCANIO.

l’amour de madame d’Etampes, mais ce n’était pas celui qu’il fallait à son ambition.

Telles étaient les réflexions de la duchesse quand Benvenuto entra ; c’étaient les nuages de sa pensée qui obscurcissaient son front en flottant autour de lui.

Les deux ennemis se mesurèrent du regard ; un même sourire ironique parut sur leurs lèvres en même temps ; un coup d’œil pareil fut échangé et leur indiqua à chacun qu’ils étaient l’un et l’autre prêts à la lutte, et que la lutte serait terrible.

— À la bonne heure, pensait Anne, celui-là est un rude jouteur qu’on aimerait à vaincre, un adversaire digne de moi. Mais aujourd’hui, en vérité, il y a trop de chances contre lui, et ma gloire ne sera pas grande à l’abattre.

— Décidément, madame d’Etampes, disait Benvenuto, vous êtes une maîtresse femme, et plus d’une lutte avec un homme m’a donné moins de peine que celle que j’ai entreprise contre vous. Aussi, soyez tranquille, tout en vous combattant à armes courtoises, je vous combattrai avec toutes mes armes.

Il y eut un moment de silence, pendant lequel chacun des deux adversaires faisait à part lui ce court monologue. La duchesse l’interrompit la première.

— Vous êtes exact, maître Cellini, dit madame d’Etampes. C’est à midi que Sa Majesté doit signer le contrat du comte d’Orbec ; il n’est que onze heures un quart. Permettez-moi d’excuser Sa Majesté : ce n’est pas elle qui est en retard, c’est vous qui êtes en avance.

— Je suis heureux, madame, d’être arrivé trop tôt, puisque cette impatience me procure l’honneur d’un tête-à-tête avec vous, honneur que j’eusse instamment sollicité si le