Aller au contenu

Page:Dumas, Ascanio, t2, 1860.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
ASCANIO.

hasard, que je remercie, n’avait été au-devant de mes désirs.

— Holà ! Benvenuto, dit la duchesse, est-ce que les revers vous rendraient flatteur ?

— Les miens ? non, madame ; mais ceux des autres. — J’ai toujours tenu à vertu singulière d’être le courtisan de la disgrâce ; et en voici la preuve, madame.

À ces mots, Cellini tira de dessous son manteau le lis d’or d’Ascanio, qu’il avait achevé le matin seulement. La duchesse poussa un cri de surprise et de joie. Jamais si merveilleux bijou n’avait frappé ses regards, jamais aucune de ces fleurs qu’on trouve dans les jardins enchantés des Mille et une Nuits n’avait jeté aux yeux d’une péri ou d’une fée un pareil éblouissement.

— Ah ! s’écria la duchesse en étendant la main vers la fleur, vous me l’aviez promise, Benvenuto, mais je vous avoue que je n’y comptais pas.

— Et pourquoi ne pas compter sur ma parole ? dit Cellini en riant ; vous me faisiez injure, madame.

— Oh ! si votre parole m’eût promis une vengeance au lieu d’une galanterie, j’eusse été plus certaine de votre exactitude.

— Et qui vous dit que ce n’est pas l’une et l’autre ? reprit Benvenuto en retirant sa main de manière à demeurer toujours maître du lis.

— Je ne vous comprends pas, dit la duchesse.

— Trouvez-vous que, montées en gouttes de rosée, dit Benvenuto en montrant à la duchesse le diamant qui tremblait au fond du calice de la fleur, et qu’elle tenait comme on s’en souvient de la munificence corruptrice de Charles-