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PHILIPPE, tirant son épée.

Holà ! mes maîtres ! faites attention que mon épée est plus longue et de meilleur acier que vos couteaux.

SIMON.

Oui ; mais nous avons dix couteaux contre ton épée.

PHILIPPE.

Arrière !

TOUS.

Á mort ! à mort !
(Ils forment un cercle autour de Philippe qui pare avec son épée.)


Scène II


Les mêmes ; BURIDAN.

(Il entre, dépose tranquillement son manteau ; s’apercevant que c’est un gentilhomme qui se défend contre du peuple, il tire vivement son épée.)

BURIDAN.

Dix contre un !… Dix manants contre un gentilhomme, c’est cinq de trop.

(Il les frappe par derrière.)
LES MANANTS.

Au meurtre !… au guet !

(Ils veulent se sauver ; Orsini paraît.)
BURIDAN.

Hôtelier du diable, ferme ta porte, que pas un de ces truands ne sorte pour donner l’alarme : ils ont eu tort… — (Aux manants.) Vous avez eu tort…

TOUS.

Oui, monseigneur, oui.

BURIDAN.

Tu le vois, nous leur pardonnons. Restez à vos tables ; voici la nôtre… Fais apporter du vin par mon ami Landry.

ORSINI.

Il est en course pour ce jeune seigneur ; j’aurai l’honneur de vous servir moi-même.

BURIDAN.

Comme tu voudras ; mais dépêche. — (Se retournant vers les manants.) Est-ce qu’il y en a un qui parle là-bas ?

LES MANANTS.

Non, monseigneur.

PHILIPPE.

Par mon patron ! messire, vous venez de me tirer d’un mauvais pas, et je m’en souviendrai en pareille occasion si je vous y trouve.

BURIDAN.

Votre main.

PHILIPPE.

De grand cœur.

BURIDAN.

Tout est dit. — (Orsini apporte du vin dans des pots.) Á votre santé !… Porte deux pots de celui-là à ces drôles, afin qu’ils boivent à la nôtre… bien. C’est la première fois, mon jeune soldat, que je vous vois dans la vénérable taverne de maître Orsini ; êtes-vous nouveau venu dans la bonne ville de Paris ?

PHILIPPE.

J’y suis arrivé il y a deux heures, justement pour voir passer le cortège de la reine Marguerite.

BURIDAN.

Reine, pas encore.

PHILIPPE.

Reine après-demain ; c’est après-demain qu’arrive de Navarre pour succédera Philippe le Bel, son père, monseigneur le roi Louis X, et j’ai profité de son avènement au trône pour revenir de Flandre où j’étais en guerre.

BURIDAN.

Et moi d’Italie où je me battais aussi. Il parait que la même cause nous amène, mon maître ?

PHILIPPE.

Je cherche fortune.

BURIDAN.

C’est comme moi ; et vos moyens de réussite ?

PHILIPPE.

Mon frère est depuis six mois capitaine près de la reine Marguerite.

BURIDAN.

Son nom ?

PHILIPPE.

Gaultier d’Aulnay.

BURIDAN.

Vous réussirez, mon cavalier, car la reine n’a rien à refuser à votre frère.

PHILIPPE.

On le dit : et je viens de lui écrire pour lui annoncer mon arrivée et lui dire de me joindre ici.

BURIDAN.

Ici au milieu de cette foule ?

PHILIPPE.

Regardez.

BURIDAN.

Ah ! tous nos gaillards sont disparus.

PHILIPPE.

Continuons, puisqu’ils nous laissent libres. Et vous, puis-je vous demander votre nom ?

BURIDAN.

Mon nom !… dites mes noms ; j’en ai deux : un de naissance qui est le mien et que je ne porte pas ;