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en me descendant ici ? Peut-être vais-je le savoir, la porte s’ouvre.


Scène VII


BURIDAN, LANDRY.
LANDRY.

Capitaine, où êtes-vous ?

BURIDAN.

Ici.

LANDRY.

C’est moi.

BURIDAN.

Qui, toi ? Je n’y vois pas.

LANDRY.

A-t-on besoin de voir ses amis pour les reconnaître ?

BURIDAN.

C’est la voix de Landry !

LANDRY.

À la bonne heure.

BURIDAN.

Peux-tu me sauver ?

LANDRY.

Impossible.

BURIDAN.

Que diable alors viens-tu faire ici ?

LANDRY.

J’y suis guichetier depuis hier.

BURIDAN.

parait que tu cumules : guichetier au Châtelet, assassin à la tour de Nesle !… Marguerite de Bourgogne doit te donner bien de l’occupation dans ces deux emplois !

LANDRY.

Mais oui, assez.

BURIDAN.

Et tu ne peux rien pour moi, pas même me faire venir un confesseur, celui que je te désignerai ?

LANDRY.

Non ; mais je puis écouter votre confession, la répéter mot pour mot à un prêtre ; et s’il y a une pénitence à faire, foi de soldat ! je la ferai pour vous.

BURIDAN.

Imbécile ! Peux-tu me donner de quoi écrire ?

LANDRY.

Impossible.

BURIDAN.

Peux-tu fouiller dans ma poche et y prendre une bourse pleine d’or ?

LANDRY.

Oui, capitaine.

BURIDAN.

Prends donc, dans cette poche… celle-ci.

LANDRY.

Après ?

BURIDAN.

Combien touches-tu de livres par an ?

LANDRY.

Six livres.

BURIDAN.

Compte ce qu’il y a dans cette bourse pendant que je vais réfléchir. — (Pause d’un instant.) As-tu compté ?

LANDRY.

Avez-vous réfléchi ?

BURIDAN.

Oui ; combien y en a-t-il ?

LANDRY.

Trois marcs d’or.

BURIDAN.

Cent soixante-cinq livres tournois. Écoute. Il te faudra passer ici, dans une prison, vingt-huit ans de ta vie pour gagner cette somme. Jure-moi, sur ton salut éternel, de faire ce que je vais te prescrire, et cette somme est à toi : c’est tout ce que je possède. Si j’avais plus, je te donnerais plus.

LANDRY.

Et vous ?

BURIDAN.

Si l’on me pend, ce qui est probable, le bourreau se chargera des frais d’enterrement, et je n’ai pas besoin de cette somme ; si je me sauve, ce qui est possible, tu auras quatre fois cette somme, et moi mille.

LANDRY.

Qu’y a-t-il à faire, capitaine ?

BURIDAN.

Une chose bien simple. Tu peux sortir du Châtelet, et une fois sorti, n’y plus rentrer.

LANDRY.

Je ne demande pas mieux.

BURIDAN.

Tu iras te loger chez Pierre de Bourges, le tavernier, par devers les Innocents : c’est là où je logeais. Tu demanderas la chambre du capitaine, on te donnera la mienne.

LANDRY.

Jusqu’à présent, cela ne me parait pas bien difficile.

BURIDAN.

Écoute : une fois entré dans cette chambre, tu t’y renfermeras : tu compteras les dalles qui la pavent, à partir du coin où se trouve un crucifix. — (Landry se signe.) Écoute-moi donc. Sur la septième, tu verras une croix ; tu la soulèveras avec ton poignard, et sous une couche de sable tu