Tes yeux damnés n’ont jamais vu, je l’espère, l’écriture sacrée de la reine.
La reconnais-tu ?… Lis : Ta Marguerite bien-aimée.
C’est un prestige ! c’est un enfer !
N’est-ce pas, quand on est près d’elle, quand elle vous parle d’amour, n’est-ce pas qu’il est doux de passer la main dans ses longs cheveux qu’elle laisse si voluptueusement flotter ; d’en couper une tresse comme celle-ci ?
C’est son écriture !… la couleur de ses cheveux !… Dis-moi que tu lui as volé cette lettre ; dis-moi que tu lui as coupé ces cheveux par surprise.
Tu le lui demanderas à elle-même : je t’ai promis de te la faire voir.
À l’instant ! à l’instant !
Mais peut-être n’est-elle pas encore au rendez-vous.
Un rendez-vous !… Qui a un rendez-vous avec elle ?… Nomme-moi celui-là… Oh ! j’ai soif de son sang et de sa vie.
Ingrat ! et si celui-là t’y cédait sa place ?
À moi ?
Si, soit lassitude pour lui, soit compassion pour toi, il ne veut plus de cette femme : s’il te la cède ; s’il te la rend ; s’il te la donne ?
Ah ! malédiction !…
Jeune homme !…
Oh ! mon Dieu !… pitié !
Il est huit heures et demie ; Marguerite attend : Gaultier, la feras-tu attendre ?
Où est-elle ? où est-elle ?
À la tour de Nesle !
Bien.
Tu oublies la clef.
Donne.
Un mot encore.
Dis.
C’est elle qui a tué ton frère.
Damnation !…
Scène IV
C’est bien, va la rejoindre, et perdez-vous l’un par l’autre ; c’est bien. Si Savoisy est aussi exact qu’eux, il fera d’étranges prisonniers. Maintenant une seule chose me reste à savoir… ce que sont devenus ces deux malheureux enfants. Oh ! si je les avais pour leur faire partager ma fortune et m’appuyer sur eux ! Landry sera bien fin si je ne parviens à apprendre de lui ce qu’ils sont devenus. Le voilà.
Vous avez encore quelque chose à me dire, capitaine ?
Oh ! rien. Dis-moi, combien faut-il de temps à ce jeune homme pour aller d’ici à la tour de Nesle ?
Vu qu’il ne se trouvera pas de bateau maintenant, il faudra qu’il remonte jusqu’au Pont-aux-Moulins ; c’est une demi-heure à peu près.
C’est bien, mets ce sablier sur cette table ; je voulais causer de notre ancienne connaissance, Landry, de nos guerres d’Italie : ajoute un verre et assieds-toi.
Oui, oui, c’étaient de rudes guerres et un bon temps ; les jours se passaient en bataille et les nuits en orgie. Vous rappelez-vous, capitaine, les vins de ce riche prieur de Gênes, dont nous bûmes jusqu’à la dernière goutte ? ce couvent de jeunes filles dont nous enlevâmes jusqu’à la dernière nonne ?