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celui qui me ferait les honneurs de l’appartement…

SAINT-MÉGRIN.

Ne vous en prenez qu’à la circonstance, monsieur le duc, si je ne profite pas de ce moment pour vous rendre tous ceux dont je vous crois digne… cela viendra, je l’espère.

JOYEUSE.

Comment, Saint-Mégrin, c’est le Balafré, lui-même.

SAINT-MÉGRIN.

Oui, oui, messieurs, c’est lui… Mais il se fait tard ; partons, partons.

(Ils sortent.)



Scène VI.


LE DUC DE GUISE seul, puis RUGGIERI.
LE DUC DE GUISE.

Quand donc une bonne arquebusade de favoris nous délivrera-t-elle de ces insolents petits muguets ? M. le comte de Caussade de Saint-Mégrin… le roi l’a fait comte ; et qui sait où s’arrêtera ce champignon de fortune ? Mayenne, avant son départ, me l’avait recommandé. Je dois m’en défier, dit-il : il a cru s’apercevoir qu’il aimait la duchesse de Guise, et m’en a fait prévenir par Bassompierre… Tête Dieu ! Si je n’étais aussi sûr de la vertu de ma femme, M. de Saint-Mégrin payerait cher ce soupçon ! — (Entre Ruggieri.) Ah ! c’est toi, Ruggieri !

RUGGIERI.

Oui, monseigneur duc…

LE DUC DE GUISE.

J’ai avancé d’un jour la réunion qui devait avoir lieu chez toi… Dans quelques minutes nos amis seront ici… Je suis venu le premier, parce que je désirais te trouver seul… Nicolas Poulain m’a dit que je pouvais compter sur toi.

RUGGIERI.

Il a dit vrai… Et mon art…

LE DUC DE GUISE.

Laissons là ton art. Que j’y croie ou que je n’y croie pas, je suis trop bon chrétien pour y avoir recours. Mais je sais que tu es savant, versé dans la connaissance des manuscrits et des archives… C’est cette science que je réclame, car c’est d’elle seule que j’ai besoin : écoute-moi. L’avocat Jean David n’a pu obtenir du saint-père qu’il ratifiât la Ligue : il est rentré en France…

RUGGIERI.

Oui, les dernières lettres que j’en ai reçues étaient datées de Lyon.

LE DUC DE GUISE.

Il y est mort : il était porteur de papiers importants… Ces papiers ont été soustraits. Parmi eux se trouvait une généalogie que le duc de Guise, mon père, de glorieuse mémoire, avait fait faire, en 1535, par François Rosières. On y prouvait que les princes lorrains étaient la seule et vraie postérité de Charlemagne. Mon père, il faut me refaire un nouvel arbre généalogique, qui prenne sa racine dans celui des Carlovingiens : il faut l’appuyer de nouvelles preuves. C’est un travail pénible et difficile, qui veut être bien payé. Voici un à-compte.

RUGGIERI.

Vous serez content de moi, monseigneur.

LE DUC DE GUISE.

Bien… Et que venaient faire ici ces jeunes papillons de cour, que j’y ai trouvés ?

RUGGIERI.

Me consulter sur l’avenir.

LE DUC DE GUISE.

Sont-ils donc mécontents du présent ? ils seraient bien difficiles. Ils se sont éloignés, n’est-ce pas ?…

RUGGIERI.

Oui, monseigneur ; ils sont au Louvre, maintenant.

LE DUC DE GUISE.

Que le Valois s’endorme au bruit de leur bourdonnement, pour ne s’éveiller qu’à celui de la cloche qui lui sonnera matines… Mais il y a quelqu’un dans l’antichambre… Ah ! ah ! c’est le père Crucé.


Scène VII.


Les précédents, CRUCÉ, puis BUSSY LECLERC,
LA CHAPELLE-MARTEAU et BRIGARD.
LE DUC DE GUISE.

C’est vous, Crucé ? Quelles nouvelles ?

CRUCÉ.

Mauvaises, monseigneur, mauvaises ; rien ne marche… tout dégénère. Morbleu ! nous sommes des conspirateurs à l’eau rose.

LE DUC DE GUISE.

Comment cela ?

CRUCÉ.

Eh ! oui… nous perdons le temps en fadaises politiques ; nous courons de porte en porte faire signer l’Union. Par saint Thomas ! vous n’avez qu’à vous montrer, monsieur le duc ; quand ils vous regardent, les huguenots sont de la Ligue…

LE DUC DE GUISE.

Est-ce que votre liste ?…

CRUCÉ.

Trois ou quatre cents zélés l’ont signée : cent cin-