Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
HENRI.

Non, madame, non… j’ai pu lui pardonner, comme chrétien, le mal qu’il m’a fait… mais je ne l’oublierai de ma vie…

D’ENTRAGUES.

Sire… j’appelle le temps à mon secours ; peut-être ma fidélité et ma soumission finiront-elles par fléchir le courroux de Votre Majesté.

HENRI.

C’est possible. Mais, votre gouvernement doit avoir besoin de votre présence ; il en est privé depuis longtemps, baron de Dunes, et le bien de nos fidèles sujets pourrait en souffrir… Qui fait ce bruit ?

D’ÉPERNON.

Ce sont ceux de Guise…

HENRI.

Notre beau cousin de Lorraine ne profite pas du privilège qu’ont les princes souverains de paraître devant nous sans être annoncés… Ses pages ont toujours soin de faire assez de bruit pour que son arrivée ne soit pas un mystère…

SAINT-MÉGRIN.

Il traite avec Votre Majesté de puissance à puissance… Il a ses sujets, comme vous avez les vôtres, et sans doute qu’il vient, armé de pied en cap, présenter en leur nom une humble requête à Votre Majesté.


Scène IV.


Les précédents ; LE DUC DE GUISE.

(Il est couvert d’une armure complète, précédé de deux pages,
xxxxxxxxxet suivi par quatre, dont l’un porte son casque.)

HENRI.

Venez, monsieur le duc, venez… Quelqu’un qui s’est retourné au bruit que faisaient vos pages, et qui vous a aperçu de loin, offrait de parier que vous veniez encore nous supplier de réformer quelque abus, de supprimer quelque impôt… Mon peuple est un peuple bien heureux, mon beau cousin, d’avoir en vous un représentant si infatigable, et en moi un roi si patient !

LE DUC DE GUISE.

Il est vrai que Votre Majesté m’a accordé bien des grâces ; … et je suis fier d’avoir si souvent servi d’intermédiaire entre elle et ses sujets.

SAINT-MÉGRIN.

Oui, comme le faucon entre le chasseur et le gibier…

LE DUC DE GUISE.

Mais, aujourd’hui, sire, un motif plus puissant m’amène encore devant Votre Majesté, puisque c’est à la fois des intérêts de son peuple et des siens que j’ai à l’entretenir…

HENRI.

Si l’affaire est si sérieuse, monsieur le duc, ne pourriez-vous pas attendre à nos prochains états de Blois ?… Les trois ordres de la nation ont là des représentants qui, du moins, ont reçu de moi mission de me parler au nom de leurs mandataires.

LE DUC DE GUISE.

Votre Majesté voudra-t-elle bien songer que les états de Blois viennent de se dissoudre et ne se rassembleront qu’au mois de novembre… Lorsque le danger est pressant, il me semble qu’un conseil privé…

HENRI.

Lorsque le danger est pressant… Mais vous nous effrayez, monsieur de Guise… Eh bien ! toutes les personnes qui composent notre conseil privé sont ici… Parlez, monsieur le duc, parlez.

LE DUC DE GUISE.

Sire, la démarche que je fais près de vous est hardie, peut-être trop hardie… Mais hésiter plus longtemps ne serait pas d’un bon et loyal sujet…

HENRI.

Au fait, monsieur le duc, au fait…

LE DUC DE GUISE.

Sire, des dépenses immenses, mais nécessaires, puisque Votre Majesté les a faites, ont épuisé le trésor de l’État… Jusqu’à présent, Votre Majesté a trouvé, avec l’aide de ses fidèles sujets, moyen de le remplir… mais cela ne peut durer… L’approbation du saint-père a permis d’aliéner pour 200,000 livres de rentes sur les biens du clergé. Un emprunt a été fait aux membres du parlement sous prétexte de faire sortir tes gens de guerre étrangers… Les diamants de la couronne sont en gage pour la sûreté des 3 millions dus au duc de Casimir… les deniers destinés aux rentes de l’hôtel de ville ont été détournés pour un autre usage, et les états généraux ont eu l’audace de répondre par un refus, lorsque Votre Majesté a proposé d’aliéner les domaines.

HENRI.

Oui, oui, monsieur le duc, je sais que nos finances sont en assez mauvais état… Nous prendrons un autre surintendant.

LE DUC DE GUISE.

Cette mesure pourrait être suffisante en temps de paix, sire… mais Votre Majesté va se voir contrainte à la guerre. Les huguenots, que votre indulgence encourage, font des progrès effrayants. Favas s’est emparé de Réole ; Montferrand, de Périgueux ; Condé, de Dijon. Le Navarrois a été vu sous les murs d’Orléans ; la Saintonge, l’Agénois et la Gascogne sont en armes, et les Espagnols, profitant de nos troubles, ont pillé Anvers, brûlé huit cents mai-