Oui, madame ; sans doute vous jugez en vous-même que ce ne serait qu’une faible expiation. D’ailleurs, l’espoir vous suivrait au delà de la grille ; il n’est point de murs si élevés qu’on ne puisse franchir, surtout si on y est aidé par un chevalier adroit, puissant et dévoué. Non, madame, non, je ne vous laisserai pas cette chance ; mais revenons à cette lettre, il faut qu’elle s’achève.
Jamais, monsieur, jamais.
Ne me poussez pas à bout, madame : c’est déjà beaucoup que j’aie consenti à vous menacer deux fois.
Eh bien ! je préfère une réclusion éternelle.
Mort et damnation ! croyez-vous donc que je n’aie que ce moyen ?
Et quel autre ? — (Le duc verse le contenu d’un flacon dans une petite coupe.) Ah ! vous ne voudriez pas m’assassiner… Que faites-vous, monsieur de Guise, que faites-vous ?
Rien… j’espère seulement que la vue de ce breuvage aura une vertu que n’ont point mes paroles.
Eh quoi !… vous pourriez !… ah !
Écrivez, madame, écrivez.
Non, non. Ô mon Dieu ! mon Dieu !
Eh bien !…
Henri, au nom du ciel ! je suis innocente, je vous le jure… Que la mort d’une faible femme ne souille pas votre nom. Henri, ce serait un crime affreux, car je ne suis pas coupable ; j’embrasse vos genoux ; que voulez-vous de plus ? Oui, oui, je crains la mort.
Il y a un moyen de vous y soustraire.
Il est plus affreux qu’elle encore… Mais non, tout cela n’est qu’un jeu pour m’épouvanter. Vous n’avez pas pu avoir, vous n’avez pas eu cette exécrable idée.
Un jeu, madame !
Non… Votre sourire m’a tout dit…
Êtes-vous décidée ?
Je le suis.
À l’obéissance ?
À la mort !
Vous l’aimiez bien, madame !… Elle a préféré… Malédiction ! malédiction ! sur vous et sur lui… sur lui surtout qui est tant aimé !
Malheur ! malheur à moi ! car mes forces sont épuisées.
Oui, malheur, car il est plus facile à une femme d’expirer que de souffrir. — (Lui saisissant le bras avec son gant de fer.) Écrivez.
Oh ! laissez-moi.
Écrivez !
Vous me faites mal, Henri.
Écrivez, vous dis-je !
Vous me faites bien mal, Henri ; vous me faites horriblement mal… Grâce ! grâce ! ah !
Écrivez donc.
Le puis-je ? Ma vue se trouble… Une sueur froide… ô mon Dieu ! mon Dieu ! je te remercie, je vais mourir.
Eh ! non, vous ne mourrez pas.
Qu’exigez-vous de moi ?
Que vous m’obéissiez.
J’obéis. Mon Dieu ! tu le sais, j’ai bravé la mort… la douleur seule m’a vaincue ; je l’ai supportée autant qu’une faible femme pouvait le faire… Elle a été au delà de mes forces. Tu l’as permis, ô mon Dieu ! le reste est entre tes mains.
L’appartement de madame la duchesse de Guise