Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/606

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ar je dirai partout que j’ai proposé à Don Luis-de-Sandoval un enjeu, et que Don Luis-de-Sandoval n’a pas osé le tenir.

SANDOVAL.

Vous ne le direz pas.

DON JUAN.

Gomez, des cartes !

SANDOVAL, montrant les dés.

Vous avez assez de ces joujoux ?

DON JUAN.

Ils vous portent malheur.

SANDOVAL.

Celui qui a dit le premier que vous étiez beau joueur a dit vrai, et je suis fâché de ne pas vous avoir rencontré hier.

DON JUAN.

Pourquoi cela ?

SANDOVAL.

Hier, j’aurais ajouté à mon enjeu dix mille piastres que j’ai perdues cette nuit et que j’ai payées ce matin.

DON JUAN.

Hier, j’aurais ajouté au mien une jeune fille d’Andalousie, que j’avais enlevée il y a trois jours à mon frère.

SANDOVAL.

Et qu’est-elle devenue ?

DON JUAN.

Satan le sait ! Je l’avais enfermée chez moi pour suivre avec plus de liberté une duègne qui avait eu l’imprudence de me remettre une lettre devant elle ; jugez de ma surprise, lorsqu’en rentrant, j’ai trouvé…

SANDOVAL.

La porte ouverte ?

DON JUAN.

Non, la fenêtre.

SANDOVAL.

Et elle donnait ?

DON JUAN.

Sur le Mançanarès.

GOMEZ, entrant.

Voici les cartes.

SANDOVAL.

Au premier as.

DON JUAN.

Va pour la bourse, l’agrafe et Almonacil.

SANDOVAL.

Va pour Doña-Inès d’Almeida.

LES SPECTATEURS.

Bravo ! c’est largement engagé.

SANDOVAL.

Henriquez, donnez les cartes !

DON JUAN, montrant l’as qui lui est échu.

Votre maîtresse est à moi, Don Luis.

SANDOVAL.

Gomez, du papier, de l’encre, des plumes !

GOMEZ.

Voilà, Votre Honneur.

SANDOVAL, écrit, plie et cachette.

Faites porter cette lettre à Doña-Inès, comtesse d’Almeida, place Mayor.

DON JUAN.

Que lui dites-vous ?

SANDOVAL.

Qu’un accident m’empêche d’aller chez elle et que je l’attends ici ; les dettes de jeu se payent dans les vingt-quatre heures.

DON JUAN.

Et ce second billet ?

SANDOVAL.

Vous le lui remettrez vous-même.

DON JUAN.

Il dit ?

SANDOVAL.

Lisez !

DON JUAN, lisant.

« Madame, je vous ai jouée et je vous ai perdue ; vous appartenez maintenant au seigneur Don Juan de Marana, à qui je cède tous mes droits sur vous ; j’espère que vous ferez honneur à ma signature. DON LUIS DE SANDOVAL D’OJEDO. »

SANDOVAL.

Maintenant, seigneur Don Juan, écoutez un avis qu’il est de mon honneur de vous donner : Doña-Inès, comtesse d’Almeida, est une véritable Espagnole, hautaine et jalouse, portant toujours un poignard de Tolède à sa jarretière, et une fiole de poison à sa ceinture ; gardez-vous de l’un et de l’autre.

DON JUAN.

Merci ; mais, à mon tour, un mot, seigneur Don Luis : votre dernier enjeu valait mieux que tout ce que j’aurais pu mettre contre lui ; reprenez donc, je vous prie, cette bourse et cette agrafe ; quant au manoir de vos pères, je suis un fils trop pieux pour vous en déshériter.

SANDOVAL, donnant la bourse et l’agrafe à ses amis.

Tenez, Pedro ; tenez, Henriquez, prenez ceci en mémoire de moi. Mon château d’Almonacil est à vous, Don Fabrique. Messieurs, vous attesterez que je le lui ai vendu.

DON FABRIQUE.

Vous êtes un magnifique seigneur, Don Luis.

DON PEDRO.

Un véritable hidalgo.

DON HENRIQUEZ.

Un Espagnol du temps de Rodrigue.

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