Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/168

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Les deux aides de camp s’élancèrent, fendant les flots du peuple à la voix de leur chef, et bientôt le bruit de la mousqueterie diminua peu à peu, puis s’éteignit tout à fait.

Un instant de repos s’établit. On en profita pour soigner les blessés, dont le nombre s’élevait déjà à trente-cinq ou quarante.

Pendant ce moment de repos, on entend sonner deux heures. L’attaque a commencé à midi. Voilà déjà deux heures que l’on se bat.

Billot est retourné à son poste, et c’est à son tour Gonchon qui l’a suivi. Son œil se tourne avec inquiétude vers la grille ; son impatience est visible.

— Qu’avez-vous ? lui demanda Billot. — J’ai que si la Bastille n’est pas prise dans deux heures, répond Gonchon, tout est perdu. — Et pourquoi cela ? — Parce que la cour apprendra à quelle besogne nous sommes occupés, et qu’elle nous enverra les suisses de Bezenval et les dragons de Lambesc, et qu’alors nous serons pris entre trois feux.

Billot fut forcé d’avouer qu’il y avait du vrai dans ce que Gonchon disait là.

Enfin les députés reparurent. À leur air morne, on jugea qu’ils n’avaient rien obtenu.

— Eh bien ! dit Gonchon rayonnant de joie, qu’avais-je dit ? les choses prédites arriveront : la forteresse maudite est condamnée.

Puis, sans même interroger la députation, il s’élança hors de la première cour, en criant :

— Aux armes ! enfants, aux armes ! le commandant refuse.

En effet, à peine le commandant a-t-il lu la lettre de Flesselles, que son visage s’est éclairé, et qu’au lieu de céder aux propositions faites, il s’est écrié :

— Messieurs les Parisiens, vous avez voulu le combat, maintenant il est trop tard.

Les parlementaires ont insisté, lui ont représenté tous les malheurs que sa défense peut amener. Mais il n’a voulu entendre à rien, et il a fini par dire aux parlementaires ce que deux heures auparavant il a déjà dit à Billot :

— Sortez, ou je vous fais fusiller.

Et les parlementaires sont sortis.

Cette fois, c’est de Launay qui a repris l’offensive. Il paraît ivre d’impatience. Avant que les députés aient franchi le seuil de la cour, la musette du duc de Saxe a joué un air. Trois personnes sont tombées : l’une morte, les deux autres blessées.

Ces deux blessés sont : l’un un garde-française, l’autre un particulier.