Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tantôt Billot appelait du canon pour enfoncer le tablier ; mais alors la musette jouait, les artilleurs reculaient, et Billot restait seul pour servir la pièce, ce qui tirait encore Pitou de sa retraite.

Monsieur Billot, criait-il, monsieur Billot, au nom de mademoiselle Catherine ! songez donc que si vous vous faites tuer, mademoiselle Catherine va être orpheline !

Et Billot se rendait à cette raison, qui semblait plus puissante sur son esprit que la première.

Enfin l’imagination féconde du fermier enfanta une dernière idée. Il courut vers la place en criant :

— Une charrette ! une charrette !

Pitou réfléchit que ce qui était bon devenait excellent en se doublant. Il suivit Billot en criant :

— Deux charrettes ! deux charrettes !

On amena immédiatement dix charrettes.

— De la paille et du foin sec ! cria Billot. — De la paille et du foin sec ! répéta Pitou.

Et sur-le-champ deux cents hommes apportèrent chacun sa botte de foin et de paille.

D’autres entassèrent du fumier desséché sur des civières.

On fut obligé de crier qu’on en avait dix fois plus qu’il n’en fallait. En une heure on eût eu un amas de fourrage qui eut égalé la Bastille en hauteur.

Billot se mit dans les brancards d’une charrette chargée de paille, et, au lieu de la traîner, la poussa en avant.

Pitou en fit autant sans savoir ce qu’il faisait, mais pensant qu’il était bien d’imiter le fermier.

Élie et Hullin devinèrent ce que préparait Billot ; ils saisirent chacun une charrette, et la poussèrent dans la cour.

À peine eurent-ils dépassé le seuil, qu’une mitraillade les accueillit ; on entendit alors les balles et les biscaïens se loger avec un bruit strident dans la paille ou dans le bois des ridelles et des roues. Mais aucun des assaillants ne fut touché.

Aussitôt cette décharge passée, deux ou trois cents fusiliers s’élancèrent derrière les meneurs de charrettes, et, se faisant un abri de ce rempart, ils vinrent se loger sous le tablier même.

Là, Billot tira de sa poche un briquet et de l’amadou, prépara une pincée de poudre au milieu d’un papier, et mit le feu à la poudre. La poudre alluma le papier, le papier alluma la paille. Chacun se partagea un brandon, et les quatre charrettes s’enflammèrent à la fois.