Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/109

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c’est bon… c’est bon… dit un des soldats ; vous êtes un brave, mon ami, mais vous êtes bourgeois et vous pouvez faire ce que vous voulez, mais le militaire est soldat et il a une consigne. — De sorte, s’écria Billot, que si vous receviez l’ordre de tirer sur nous, c’est-à-dire sur des hommes sans armes, vous tireriez, vous, les successeurs des hommes de Fontenoy, qui rendiez des points aux Anglais en leur disant de faire feu les premiers ! — Moi, je sais bien que je ne ferais pas feu, dit une voix dans les rangs. — Ni moi ! ni moi, répétèrent cent voix. — Alors, empêchez donc les autres de faire feu sur nous, dit Billot. Nous laisser égorger par les Allemands, c’est exactement comme si vous nous égorgiez vous-mêmes. — Les dragons ! les dragons ! crièrent plusieurs voix, en même temps que la foule, repoussée, commençait à déborder sur la place, en fuyant par la rue Richelieu.

Et l’on entendait, encore éloigné, mais se rapprochant, le galop d’une lourde cavalerie retentissant sur le pavé.

— Aux armes ! aux armes ! criaient les fuyards. — Mille dieux ! dit Billot en jetant à terre le corps du Savoyard qu’il n’avait pas encore quitté, donnez-nous vos fusils, au moins, si vous ne voulez pas vous en servir. — Eh bien ! si fait, mille tonnerres ! nous nous en servirons, dit le soldat auquel Billot s’était adressé, en dégageant des mains du fermier son fusil que l’autre avait déjà empoigné. Allons, allons, aux dents la cartouche ! et si les Autrichiens disent quelque chose à ces braves gens, nous verrons. — Oui, oui, nous verrons, crièrent les soldats en portant leur main à leur giberne et la cartouche à leur bouche. — Oh ! tonnerre ! s’écria Billot piétinant, et dire que je n’ai pas pris mon fusil de chasse. Mais il y aura peut-être bien un de ces gueux d’Autrichiens de tué, et je prendrai son mousqueton. — En attendant, dit une voix, prenez cette carabine, elle est toute chargée.

Et en même temps un homme inconnu glissa une riche carabine aux mains de Billot.

Juste en ce moment, les dragons débouchaient sur la place, bousculant et sabrant tout ce qui se trouvait devant eux.

L’officier qui commandait les gardes françaises fit quatre pas en avant.

— Holà ! messieurs les dragons, cria-t-il, halte-là ! s’il vous plaît.

Soit que les dragons n’entendissent pas, soit qu’ils ne voulussent pas entendre, soit enfin qu’ils fussent emportés par une course trop violente pour s’arrêter, ils voltèrent sur la place par demi-tour à droite, et heurtèrent une femme et un vieillard qui disparurent sous les pieds des chevaux.

— Feu donc ! feu ! s’écria Billot.

Billot était près de l’officier, on pût croire que c’était l’officier qui