Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/195

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Le docteur répondit avec le même silence à cette silencieuse étreinte ; seulement, après avoir embrassé son fils, il le regarda longtemps avec un sourire plutôt triste que joyeux.

Un plus habile observateur que Billot se fût dit qu’il y avait ou un malheur ou un crime entre cet enfant et cet homme.

L’enfant fut moins contenu avec Billot. Lorsqu’il put voir autre chose que son père, qui avait absorbé toute son attention, il courut au bon fermier, et lui jeta les bras autour du cou en disant :

— Vous êtes un brave homme, monsieur Billot, vous m’avez tenu parole, et je vous remercie. — Oh ! oh ! dit Billot, ce n’est pas sans peine, allez, monsieur Sébastien ; votre père était joliment enfermé, et il a fallu faire pas mal de dégâts avant de le mettre dehors. — Sébastien, demanda le docteur avec une certaine inquiétude, vous êtes en bonne santé ? — Oui, mon père, répondit le jeune homme, quoique vous me trouviez à l’infirmerie.

Gilbert sourit.

— Je sais pourquoi vous y êtes, dit-il.

L’enfant sourit à son tour.

— Il ne vous manque rien ici ? continua le docteur. — Rien, grâce à vous. — Je vais donc, mon cher ami, vous faire toujours la même recommandation, la même et la seule : travaillez. — Oui, mon père. — Je sais que ce mot pour vous n’est pas un son vain et monotone ; si je le croyais, je ne le dirais plus, — Mon père, ce n’est pas à moi à vous répondre là-dessus, répondit Sébastien ; c’est à monsieur Bérardier, notre excellent principal.

Le docteur se retourna vers monsieur Bérardier, lequel fit signe qu’il avait deux mots à lui dire.

— Attendez, Sébastien, dit le docteur.

Et il s’avança vers le principal.

— Monsieur, demanda Sébastien avec intérêt, serait-il donc arrive malheur à Pitou ? Le pauvre garçon n’est pas avec vous. — Il est à la porte dans un fiacre. — Mon père, dit Sébastien, voulez-vous permettre que monsieur Billot amène Pitou ; je serais bien aise de le voir.

Gilbert fit un signe de tête ; Billot sortit.

— Que voulez-vous me dire ? demanda Gilbert à l’abbé Bérardier. — Je voulais vous dire. Monsieur, que ce n’était point le travail qu’il fallait recommander à cet enfant, mais bien plutôt la distraction. — Comment cela ? monsieur l’abbé. — Oui, c’est un excellent jeune homme, que chacun aime ici comme un fils ou comme un frère, mais…

L’abbé s’arrêta.

— Mais, quoi ? demanda le père inquiet. — Mais si l’on n’y prend