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— Que pensez-vous de tout cela, monsieur de Broglie ? dit-il. — Sire, répondit le vieux maréchal, si vous éloignez votre armée de la présence des Parisiens, on dira que les Parisiens l’ont battue. Si vous les laissez en présence, il faut que votre armée les batte. — Bien dit ! s’écria la reine en serrant la main du maréchal.

Le prince de Lambesc seul se contenta de secouer la tête.

— Eh bien ! après ? dit le roi. — Commandez : Marche ! dit le vieux maréchal. — Oui… marche ! s’écria la reine. — Allons ! puisque vous le voulez tous : marche ! dit le roi.

En ce moment, on remit à la reine un billet qui contenait ce qui suit :

« Au nom du ciel ! Madame, pas de précipitation ! J’attends une audience de Votre Majesté. »

— Son écriture ! murmura la reine.

Puis, se retournant :

— Est-ce que monsieur de Charny est chez moi ? demanda-t-elle. — Il arrive tout poudreux, et je crois même tout sanglant, répondit la confidente. — Un moment, Messieurs, fit la reine à monsieur de Bezenval et à monsieur de Broglie ; attendez-moi ici, je reviens.

Et elle passa chez elle tout en hâte.

Le roi n’avait pas remué la tête.



XXVII

OLIVIER DE CHARNY


La reine, en entrant dans son boudoir, y trouva celui qui avait écrit le billet apporté par sa femme de chambre.

C’était un homme de trente-cinq ans, d’une haute taille, d’un visage accusant la force et la résolution ; son œil gris bleu, vif et perçant comme celui de l’aigle, son nez droit, son menton fortement accusé, donnaient à sa physionomie un caractère martial, rehaussé par l’élégance avec laquelle il portait l’habit de lieutenant aux gardes du corps.

Ses mains tremblaient encore sous ses manchettes de batiste déchirées et froissées.

Son épée avait été tordue et rentrait mal dans le fourreau.

À l’arrivée de la reine, le personnage marchait précipitamment dans le boudoir, en proie à mille pensées de fièvre et d’agitation.