Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reine. — Je ne peux pas, dit le roi, il y a des gravures. — Et vous en êtes là, dit-elle ; vous en êtes à ce point d’aveuglement, de faiblesse, que vous ne cherchiez point à remonter à la source de toutes ces infamies ? — Mais on ne fait que cela, remonter aux sources : tous mes lieutenants de police y ont blanchi. — Alors vous connaissez l’auteur de ces indignités ? — J’en connais un, du moins, l’auteur de celui-là, monsieur Furth, puisque voilà un reçu de vingt-deux mille cinq cents livres de lui ; quand cela vaut la peine, vous voyez que je ne regarde pas au prix. — Mais les autres ! les autres ! — Ah ! souvent ce sont de pauvres diables d’affamés qui végètent en Angleterre ou en Hollande. On est mordu, on est piqué, on s’irrite, on cherche, on croit qu’on va trouver un crocodile ou un serpent, le tuer, l’écraser : pas du tout, on ne trouve qu’un insecte, si petit, si bas, si sale, qu’on n’ose point y toucher, même pour le punir. — À merveille ! Mais si vous n’osez pas toucher aux insectes, accusez en face celui qui les fait naître. En vérité, Monsieur, on dirait que Philippe d’Orléans est le soleil. — Ah ! s’écria le roi en frappant ses mains l’une contre l’autre ; ah ! nous y voilà ; monsieur d’Orléans ! Allez, allez, cherchez à me brouiller avec lui. — Vous brouiller avec votre ennemi, sire ? ah ! le mot est joli.

Le roi haussa les épaules.

— Voilà, dit-il, voilà le système des interprétations. Monsieur d’Orléans ! vous attaquez monsieur d’Orléans, qui vient se mettre à mes ordres pour combattre les révoltés ! qui quitte Paris et qui accourt à Versailles. Monsieur d’Orléans est mon ennemi ! Vraiment, Madame, vous avez contre les d’Orléans une haine inconcevable ! — Oh ! il est venu, savez-vous pourquoi ? parce qu’il a peur que son absence ne soit remarquée au milieu de l’empressement général ; il est venu, parce qu’il est un lâche. — Bien ! nous allons recommencer, dit le roi ; c’est un lâche qui a inventé cela. Vous, vous qui avez fait écrire cela dans vos gazettes qu’il avait eu peur à Ouessant, vous l’avez voulu déshonorer. Eh bien ! c’était une calomnie, Madame. Philippe n’a pas eu peur. Philippe n’a pas fui. S’il avait fui, il ne serait pas de la famille. Les d’Orléans sont braves. C’est connu. Le chef de la famille, qui avait plus l’air de descendre de Henri III que de Henri IV, était brave, malgré son d’Effiat et son chevalier de Lorraine. Il avait bravé la mort à la bataille de Cassel. Le régent avait bien quelques petites choses à se reprocher du côté des mœurs ; mais il s’était battu à Steinkerque, à Nerwinde et à Almacza comme le dernier soldat de son armée. Ne disons que la moitié du bien qui existe, si vous le voulez, Madame, mais ne disons point le mal qui n’existe pas. — Votre Majesté est en train de blanchir tous les révolutionnaires. Vous verrez, vous verrez tout ce que vaudra celui-là.