Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/33

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broyée avec un pilon et lavée à grande eau, procurait la glu ; quant aux gluaux, ils poussaient par milliers sur les bouleaux des environs. Pitou se confectionna donc, sans en rien dire à personne, un millier de gluaux et un pot de glu de première utilité ; et un beau matin, après avoir pris la veille au compte de sa tante un pain de quatre livres chez le boulanger, il partit à l’aube, demeura toute la journée dehors, et rentra le soir à la nuit fermée.

Pitou n’avait pas pris une pareille résolution sans en calculer les résultats. Il avait prévu une tempête. Sans avoir la sagesse de Socrate, il connaissait l’humeur de sa tante Angélique tout aussi bien que l’illustre maître d’Alcibiade connaissait celle de sa femme Xantippe. Pitou ne s’était pas trompé dans sa prévoyance ; mais il comptait faire face à l’orage en présentant à la vieille dévote le produit de sa journée. Seulement il n’avait pu deviner la place où la foudre le frapperait. La foudre le frappa en entrant.

Mademoiselle Angélique s’était embusquée derrière la porte pour ne pas manquer son neveu au passage ; de sorte qu’au moment où il hasardait le pied dans la chambre, il reçut vers l’occiput une taloche à laquelle, sans avoir besoin d’autre renseignement, il reconnut parfaitement la main sèche de la vieille dévote.

Heureusement Pitou avait la tête dure, et, quoique le coup l’eût à peine ébranlé, il fit semblant, pour attendrir sa tante, dont la colère s’était augmentée du mal qu’elle s’était fait aux doigts en frappant sans mesure, d’aller tomber, en trébuchant, à l’autre bout de la chambre ; puis, arrivé là, comme sa tante revenait sur lui, sa quenouille à la main, il se hâta de tirer de sa poche le talisman sur lequel il avait compté pour se faire pardonner sa fugue.

C’étaient deux douzaines d’oiseaux, parmi lesquels une douzaine de rouge-gorges et une demi-douzaine de grives.

Mademoiselle Angélique ouvrit de grands yeux ébahis, continua de gronder pour la forme ; mais tout en grondant, sa main s’empara de la chasse de son neveu, et faisant trois pas vers la lampe :

— Qu’est-ce que cela ? dit-elle. — Vous le voyez bien, ma bonne petite tante Angélique, dit Pitou, ce sont des oiseaux. — Bons à manger ? dit vivement la vieille fille qui, en sa qualité de dévote, était naturellement gourmande. — Bons à manger ! répéta Pitou. Excusez ! des rouge-gorges et des grives : je crois bien ! — Et où as-tu volé ces animaux, petit malheureux ? — Je ne les ai pas volés, je les ai pris. — Comment ? — À la marette, donc ! — Qu’est-ce que cela, la marette ?

Pitou regarda sa tante d’un air étonné ; il ne pouvait pas comprendre