Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/355

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s’écria en tremblant Foulon, me sauverez-vous ? — Ah ! Monsieur, répondit Bailly avec un soupir, vous êtes un grand coupable ! — Cependant, Monsieur, demanda Foulon de plus en plus troublé, il y aura, je l’espère, une justice pour me défendre.

En ce moment, le tumulte extérieur redoubla.

— Cachez-le vite, s’écria Bailly aux gens qui l’entouraient, ou bien…

Il se retourna vers Foulon.

— Écoutez, dit-il, la situation est assez grave pour que vous soyez consulté. Voulez-vous, peut-être en est-il temps encore, voulez-vous essayer de fuir par les derrières de l’hôtel de ville ? — Oh ! non, s’écria Foulon ; je serai reconnu, massacré ! — Préférez-vous rester au milieu de nous ? Je ferai et ces Messieurs feront tout ce qu’il sera humainement possible de faire pour vous défendre : n’est-ce pas, Messieurs ? — Nous le promettons, crièrent les électeurs tout d’une voix. — Oh ! je préfère rester avec vous, Messieurs. Messieurs, ne m’abandonnez pas. — Je vous ai dit, Monsieur, répondit Bailly avec dignité, que nous ferions tout ce qu’il serait humainement possible de faire pour vous sauver.

En ce moment une grande clameur prit naissance sur la place, se répandit dans les airs, et pénétra dans l’hôtel de ville par les fenêtres ouvertes.

— Entendez-vous ? entendez-vous ? murmura Foulon pâlissant.

En effet, la foule débouchait hurlante, et effroyable à voir, de toutes les rues aboutissant à l’hôtel de ville, et surtout du quai Pelletier et de la rue de la Vannerie.

Bailly s’approcha d’une fenêtre.

Les yeux, les couteaux, les piques, les faux et les mousquets reluisaient au soleil. En moins de dix minutes, la vaste place regorgea de monde. C’était tout le cortége de Foulon, dont avait parlé Pitou, et qui s’était encore augmenté des curieux qui, entendant un grand bruit, accouraient sur la place de Grève comme vers un centre.

Toutes ces voix, et il y en avait plus de vingt mille, criaient :

— Foulon ! Foulon !

On vit alors les cent précurseurs de ces furieux désigner à toute cette masse hurlante la porte par laquelle Foulon était entré ; cette porte fut menacée immédiatement, et l’on commença de l’abattre à coups de pieds, à coups de crosses de fusils et à coups de leviers.

Tout à coup elle s’ouvrit.

Les gardes de l’hôtel de ville apparurent et s’avancèrent sur les assaillants, qui reculèrent d’abord devant les baïonnettes, et tracèrent, dans leur première frayeur, un large espace vide devant la façade.

Cette garde s’établit sur les degrés et fit bonne contenance.

Les officiers, d’ailleurs, au lieu de menacer, haranguaient affec-