Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était une grande besogne.

Il y avait un peu de tout dans l’hôtel de ville.

Il y avait d’abord trois cents électeurs.

Il y avait les adjoints.

Il y avait les maires.

— Ce sera bien long de jeter tous ces gens-là à l’eau, dit une femme de sens, une femme pressée. — Ce n’est pas qu’ils le méritent peu, dit une autre. — Oui, mais le temps manque. — Eh bien ! brûlons tout ! dit une voix, c’est plus simple.

On chercha des torches, on demanda du feu ; puis, provisoirement, pour ne pas perdre de temps, on s’amusa à pendre un abbé, l’abbé Lefèvre d’Ormesson.

Heureusement l’homme à l’habit gris était là. Il coupe la corde, l’abbé tombe de dix-sept pieds de haut, se foule un pied, et s’en va en boitant au milieu des rires de toutes ces mégères.

Ce qui faisait que l’abbé s’en allait si tranquillement, c’est que les torches étaient allumées, c’est que les incendiaires avaient déjà les torches aux mains, c’est qu’elles les approchaient des archives, c’est que dix minutes encore et tout allait être en feu.

Tout à coup l’homme à l’habit gris se précipite et arrache tisons et flambeaux des mains des femmes ; les femmes résistent, l’homme les fustige à coups de torche, et, tandis que le feu prend aux jupes, il éteint celui qui prenait déjà aux papiers.

Qu’est-ce donc que cet homme qui s’oppose ainsi à une volonté terrible de dix mille créatures furieuses ?

Pourquoi donc se laissait-on gouverner par cet homme ? On a pendu l’abbé Lefèvre à moitié ; on pendra bien cet homme tout à fait, attendu qu’il ne sera plus là pour empêcher qu’on le pende.

Sur ce raisonnement un chœur frénétique s’élève qui le menace de mort ; à la menace se joint l’effet.

Les femmes entourent l’homme à l’habit gris et lui jettent une corde au cou. Mais Billot est accouru. Billot va rendre à Maillard le service que Maillard a rendu à l’abbé.

Il se cramponne à la corde, qu’il coupe en deux ou trois endroits avec un couteau bien acéré et bien tranchant, qui sert en ce moment à son propriétaire à couper les cordes, mais qui pourrait, dans un moment extrême, emmanché qu’il est d’un bras vigoureux, lui servir à autre chose.

Et tout en coupant la corde en autant de morceaux qu’il peut, Billot s’écrie ;

— Mais, malheureuses vous ne reconnaissez donc pas l’un des vainqueurs de la Bastille ! celui qui a passé sur la planche pour aller chercher