Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/411

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la capitulation, tandis que moi je barbottais dans les fossés ? Vous ne reconnaissez donc pas monsieur Maillard ?

À ce nom si connu et si redouté, toutes ces femmes s’arrêtent. On se regarde, on s’essuie le front.

La besogne avait été rude, et quoiqu’on fût au mois d’octobre, il était permis de suer en l’accomplissant.

— Un vainqueur de la Bastille ! et monsieur Maillard encore, monsieur Maillard l’huissier au Châtelet ! vive monsieur Maillard !

Les menaces se changent en caresses ; on embrasse Maillard, on crie : Vive Maillard !

Maillard échange une poignée de main et un regard avec Billot.

La poignée de main veut dire : Nous sommes amis !

Le regard veut dire : Si vous avez jamais besoin de moi, comptez sur moi.

Maillard a repris sur toutes ces femmes une influence d’autant plus grande, qu’elles comprennent que Maillard a quelques petits torts à leur pardonner.

Mais Maillard est un vieux matelot populaire, il connaît cette mer des faubourgs qui se soulève d’un souffle et se calme d’un mot.

Il sait comment on parle à tous ces flots humains, lorsqu’ils vous donnent le temps de parler.

D’ailleurs, le moment est bon pour se faire entendre, on fait silence autour de Maillard.

Maillard ne veut pas que les Parisiennes détruisent la commune, c’est-à-dire le seul pouvoir qui les protége ; il ne veut pas qu’elles anéantissent l’état civil qui prouve que leurs enfants ne sont pas tous des bâtards.

La parole de Maillard, inusitée, stridente, railleuse, fait son effet.

Personne ne sera tué, rien ne sera brûlé.

Mais on veut aller à Versailles.

C’est là qu’est le mal, c’est là qu’on passe les nuits en orgie, tandis que Paris a faim. C’est Versailles qui dévore tout. Paris manque de blé et de farine, parce que les farines, au lieu de s’arrêter à Paris, vont directement de Corbeil à Versailles.

Il n’en serait pas ainsi si le boulanger, la boulangère et le petit mitron étaient à Paris.

C’est sous ces sobriquets qu’on désigne le roi, la reine et le dauphin, ces distributeurs naturels du pain du peuple.

On ira à Versailles.

Puisque les femmes sont organisées en troupes, puisqu’elles ont des fusils, des canons, de la poudre, que celles qui n’ont ni fusils, ni poudre, ont des piques et des fourches, elles auront un général.