Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/437

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Ils conduisaient cette seconde troupe dont nous avons parlé.

Elle se composait de ceux qui viennent après ceux qui combattent pour vaincre.

Ils viennent, eux, pour piller et pour assassiner.

Or, on avait bien assassiné un peu à la Bastille, mais on n’avait pas pillé du tout.

Versailles offrait une belle revanche à prendre.

Vers cinq heures et demie du matin, le château tressaillit au milieu de son sommeil.

Un coup de fusil venait d’être tiré de la cour de marbre.

Cinq ou six cents hommes s’étaient tout à coup présentés à la grille, et s’excitant, s’animant, se poussant, ils avaient d’un seul effort, les uns escaladé, les autres forcé cette grille.

C’est alors que le coup de fusil de la sentinelle avait sonné l’alarme. Un des assaillants était tombé mort, son cadavre s’allongeait sur le pavé.

Ce coup de feu a fendu ce groupe de pillards qui visent, les uns à l’argenterie du château ; les autres, qui sait ! peut-être à la couronne du roi.

Séparé comme par un immense coup de hache, le flot se divise en deux groupes.

L’un des groupes va battre l’appartement de la reine, l’autre monte vers la chapelle, c’est-à-dire vers l’appartement du roi.

Suivons d’abord celui qui monte vers l’appartement du roi.

Vous avez vu monter le flot dans les grandes marées, n’est-ce pas ? Eh bien ! le flot populaire est pareil, avec cette différence qu’il avance toujours sans reculer.

Toute la garde du roi se compose en ce moment du factionnaire qui veille à la porte, et d’un officier qui sort précipitamment des antichambres, armé d’une hallebarde qu’il vient d’arracher au suisse effrayé.

— Qui vive ! crie le factionnaire, qui vive ! Et comme il n’y a pas de réponse, et que le flot monte toujours :

— Qui vive ! crie-t-il une troisième fois. Et il met en joue.

L’officier comprend ce qui va résulter d’un coup de feu tiré dans les appartements ; il relève le fusil, se précipite au-devant des assaillants, et barre avec sa hallebarde l’escalier dans toute sa largeur.

— Messieurs ! Messieurs ! s’écrie-t-il, que voulez-vous ? que demandez-vous ? — Rien, rien, disent en raillant plusieurs voix. Allons, laissez-nous passer ; nous sommes de bons amis de Sa Majesté. — Vous êtes de bons amis de Sa Majesté, et vous lui apportez la guerre ? Cette fois, pas de réponse… Un rire sinistre, voilà tout.