Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/472

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Et, prenant la fermière par la main, il lui fit monter les trois ou quatre premières marches de l’escalier, et lui montra Catherine assise sur le rebord de la fenêtre, dans l’encadrement des volubilis et des lierres.

— Elle se coiffe, dit la bonne femme. — Hélas ! non, elle est toute coiffée, répondit mélancoliquement Pitou.

La fermière ne fit point attention à la mélancolie de Pitou, et d’une voix forte elle appela :

— Catherine ! Catherine !

La jeune fille tressaillit, surprise, ferma rapidement sa fenêtre, et dit :

— Qu’y a-t-il ? — Mais viens donc, Catherine, s’écria la mère Billot, ne doutant point de l’effet qu’allaient produire ses paroles. C’est Ange qui arrive de Paris.

Pitou écouta avec anxiété la réponse qu’allait faire Catherine.

— Ah ! fit Catherine froidement.

Si froidement que le cœur manqua au pauvre Pitou. Et elle descendit l’escalier avec le flegme qu’ont les Flamandes dans les tableaux de Van Ostade ou de Brauwer.

— Tiens ! dit-elle en touchant le plancher, c’est lui. Pitou s’inclina rouge et frissonnant.

— Il a un casque, dit une servante à l’oreille de la jeune maîtresse. Pitou entendit le motet en étudia l’effet sur le visage de Catherine. Charmant visage, un peu pâli peut-être, mais encore plein de velouté. Mais Catherine ne montra aucune admiration pour le casque de Pitou.

— Ah ! il a un casque, dit-elle ; pourquoi faire ? Cette fois l’indignation l’emporta dans le cœur de l’honnête garçon.

— J’ai un casque et un sabre, dit-il avec fierté, parce que je me suis battu et que j’ai tué des dragons et des suisses ; et si vous en doutez, mademoiselle Catherine, vous demanderez à votre père ; voilà tout. Catherine était si préoccupée qu’elle ne parut entendre que la dernière partie de la réponse de Pitou.

— Comment va mon père ? demanda-t-elle, et pourquoi ne revient-il pas avec vous ? Est-ce que les nouvelles de Paris sont mauvaises ? — Très-mauvaises, dit Pitou. — Je croyais que tout s’était arrangé ? objecta Catherine. — Oui, c’est vrai ; mais tout s’est dérangé, répondit Pitou. — Est-ce qu’il n’y a pas eu l’accord du peuple et du roi, le rappel de monsieur Necker ? — Il s’agit bien de monsieur Necker, dit Pitou avec suffisance. — Cela pourtant a satisfait le peuple, n’est-ce pas ? — Si bien satisfait, que le peuple est en train de se faire justice et de tuer tous ses ennemis. — Tous ses ennemis ! s’écria Catherine étonnée. Et quels sont donc les ennemis du peuple ? — Les aristocrates, donc, fit Pitou.