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avec le même ton de sombre mélancolie. — Oh ! non pas ! fit Pitou. Monsieur Billot et monsieur Gilbert se sont entendus. Monsieur Billot va rester quelque temps encore à Paris, pour finir la révolution. — À eux seuls, comme cela ? dit la mère Billot. — Non, avec monsieur de Lafayette et monsieur Bailly. — Ah ! fit avec admiration la fermière, du moment qu’il est avec monsieur de Lafayette et avec monsieur Bailly… — Quand pense-t-il revenir ? demanda Catherine. — Oh ! quant à cela, Mademoiselle, je n’en sais rien. — Et toi, Pitou, comment donc es-tu revenu alors ? — Moi, j’ai amené à l’abbé Fortier Sébastien Gilbert, et je suis venu ici apporter les instructions de monsieur Billot.

Pitou, en achevant ces mots, se leva, non sans une certaine dignité diplomatique qui fut comprise, sinon des serviteurs, du moins des maîtres.

La mère Billot se leva aussi et congédia son monde.

Catherine, restée assise, étudia jusqu’au fond de l’âme la pensée de Pitou avant qu’elle ne sortit de ses lèvres.

— Que va-t-il me faire dire ? se demanda-t-elle.


LX

MADAME BILLOT ABDIQUE


Pour écouter les volontés de ce père honoré, les deux femmes réunirent toute leur attention. Pitou n’ignorait pas que la tâche était assez difficile : il avait vu à l’œuvre la mère Billot et Catherine ; il connaissait l’habitude du commandement chez l’une, la féroce indépendance de l’autre.

Catherine, fille si douce, si laborieuse, si bonne, avait pris, par l’effet même de toutes ses qualités, un énorme ascendant sur tout le monde dans la ferme ; et qu’est-ce que l’esprit de domination, sinon une ferme volonté de ne pas obéir.

Pitou, en exposant sa mission, savait tout le plaisir qu’il allait faire à l’une, et tout le chagrin qu’il causerait à l’autre. La mère Billot, réduite au rôle secondaire, lui paraissait une chose anormale, absurde. Cela grandissait Catherine par rapport à Pitou, et Catherine n’avait pas besoin de cela dans les circonstances présentes. Mais il représentait à la ferme un des hérauts d’Homère, une bouche, une mémoire, non pas une intelligence. Il s’exprima en ces termes :