Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/476

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— Monsieur Billot a raison, dit-elle ; Catherine est jeune ; elle a bonne tête, elle est têtue même. — Oh ! oui, fit Pitou, certain qu’il flattait l’amour-propre de Catherine, en même temps qu’il lui décochait une épigramme. — Catherine, continua la mère Billot, sera plus à l’aise que moi sur les chemins ; elle saura mieux courir des jours entiers après les laboureurs. Elle vendra mieux ; elle achètera plus sûrement. Elle saura se faire obéir, la fille !

Catherine sourit.

— Eh bien ! continua la bonne femme sans avoir même besoin d’étouffer un soupir, voilà que la Catherine va un peu courir les champs ! voilà qu’elle va tenir la bourse ! voilà qu’on va la voir toujours en route ! voilà ma fille transformée en garçon !…

Pitou, d’un air capable :

— Ne craignez rien pour mademoiselle Catherine, dit-il ; je suis là, moi, et je l’accompagnerai partout.

Cette offre gracieuse, sur laquelle Ange comptait probablement pour faire un effet, lui attira de la part de Catherine un si étrange regard, qu’il fut tout interdit.

La jeune fille rougit, non pas comme les femmes à qui l’on fait plaisir, mais de cette nuance couperosée qui, traduisant par un double symptôme la double opération de l’âme, sa cause première, accuse à la fois la colère et l’impatience, le désir de parler et le besoin de se taire. Pitou n’était pas un homme du monde, lui ; il ne sentait pas les nuances ; mais ayant compris que la rougeur de Catherine n’était pas un acquiescement complet :

— Quoi ! dit-il avec un sourire agréable qui découvrit ses puissantes dents sous ses grosses lèvres ; quoi ! vous vous taisez, mademoiselle Catherine ?

— Vous ignorez donc, monsieur Pitou, que vous avez dit une 

bêtise ? — Une bêtise ! fit l’amoureux. — Pardi ! s’écria la mère Billot, voyez-vous ma fille Catherine avec un garde du corps ! — Mais enfin, dans les bois… dit Pitou d’un air si naïvement consciencieux que c’eût été un crime d’en rire. — Cela est-il aussi dans les instructions de notre homme ? continua la mère Billot, qui montra ainsi certaines dispositions à l’épigramme. — Oh ! ajouta Catherine, ce serait un métier de paresseux que mon père ne peut avoir conseillé à monsieur Pitou, et que monsieur Pitou n’aurait pas accepté de mon père.

Pitou roulait de gros yeux effarés de Catherine à la mère Billot ; tout son échafaudage croulait.

Catherine, véritable femme, comprit la douloureuse déception de Pitou.

— Monsieur Pitou, dit-elle, est-ce à Paris que vous avez vu les jeunes