Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/505

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secouant la tête. Oh : oh ! ce n’est pas assez. — Si ce n’est pas assez, répondit Pitou, fais mieux, toi ; je te cède mon commandement ; va te frotter à l’abbé Fortier et à son martinet, toi. — C’est bien la peine, fit dédaigneusement Maniquet, de revenir de Paris avec un sabre et un casque, pour avoir peur d’un martinet. — Un sabre et un casque ne sont point une cuirasse, et quand ils seraient une cuirasse, l’abbé Fortier, avec son martinet, aurait bien vite trouvé le défaut de la cuirasse.

Claude et Désiré parurent comprendre cette observation.

— Allons, Pitou, mon fils ! dit Claude.

Mon fils est un terme d’amitié fort usité dans le pays. — Eh bien ! soit, dit Pitou ; mais de l’obéissance, morbleu ! — Tu verras comme nous serons obéissants, dit Claude en clignant de l’œil à Désiré. — Seulement, ajouta Désiré, charge-toi des fusils. — C’est convenu, dit Pitou fort inquiet au fond, mais à qui cependant l’ambition commençait à conseiller les grandes audaces. — Tu le promets ? — Je le jure.

Pitou étendit la main, ses deux compagnons en firent autant ; et voilà comment, à la clarté des étoiles, dans une clairière, l’insurrection fut déclarée dans le département de l’Aisne par les trois Haramontois, plagiaires innocents de Guillaume Tell et de ses compagnons.

Le fait est que Pitou entrevoyait au bout de ses peines le bonheur de se montrer glorieusement revêtu des insignes de commandant de garde nationale, et que ces insignes lui paraissaient être de nature à imprimer, sinon des remords, du moins des réflexions à mademoiselle Catherine. Ainsi sacré par la volonté de ses électeurs, Pitou rentra chez lui rêvant aux voies et aux moyens de procurer des armes à ses trente-trois gardes nationaux.


LXIV

OÙ L’ON VOIT EN PRÉSENCE LE PRINCIPE MONARCHIQUE REPRÉSENTÉ PAR L’ABBÉ FORTIER, ET LE PRINCIPE RÉVOLUTIONNAIRE REPRÉSENTÉ PAR PITOU


Cette nuit-là, Pitou fut si préoccupé du grand honneur qui lui était échu, qu’il oublia de visiter ses collets.

Le lendemain, il s’arma de son casque et de son sabre, et se mit en route pour Villers-Cotterets.

Six heures du matin sonnaient à l’horloge de la ville quand Pitou ar-