Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/545

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Elle rougit.

— Que faisiez vous là ? demanda-t-elle. — Vous m’avez donc reconnu ? fit-il avec un doux et mélancolique reproche. — D’abord, non, mais ensuite, oui. — Comment cela, ensuite ? — Quelquefois on est distraite ; on va sans savoir, et puis on réfléchit. — Assurément. Elle retomba dans le silence, lui aussi ; l’un et l’autre avaient trop de choses à penser pour parler si net.

— Enfin, reprit Catherine, c’était vous ? — Oui, Mademoiselle. — Que faisiez-vous donc là ? N’étiez-vous pas caché ? — Caché ? non. Pourquoi eussé-je été caché ? — Oh ! la curiosité… — Mademoiselle, je ne suis pas curieux.

Elle frappa impatiemment la terre de son petit pied.

— Toujours est-il que vous étiez là, et que ce n’est pas un endroit ordinaire pour vous. — Mademoiselle, vous avez vu que je lisais. — Ah ! je ne sais. — Puisque vous m’avez vu, vous devez savoir. — Je vous ai vu, c’est vrai, mais vaguement. Et… vous lisiez ? — Le Parfait Garde national. — Qu’est-ce que cela ? — Un livre avec lequel j’apprends la tactique, pour la montrer ensuite à mes hommes ; et pour bien étudier, vous savez, Mademoiselle, qu’il faut se mettre à l’écart. — Au fait, c’est vrai ; et là, sur la lisière de la forêt, rien ne vous trouble. — Rien. Autre silence. La mère Billot et les commères allaient toujours.

— Quand vous étudiez ainsi, reprit Catherine, étudiez-vous longtemps ? — Quelquefois des journées entières. Mademoiselle. — Alors, s’écria-t-elle vivement, il y avait longtemps que vous étiez là ? — Très longtemps. — C’est étonnant que je ne vous aie pas vu quand je suis arrivée, dit-elle.

Ici elle mentait, et si audacieusement, que Pitou eut la velléité de l’en convaincre ; mais il était honteux pour elle ; il était amoureux, timide par conséquent. Tous ces défauts lui valurent une qualité, la circonspection.

— J’aurai dormi, dit-il ; cela arrive parfois, quand on a trop travaillé de tête. — Voilà, et pendant ce sommeil que vous avez eu, moi, j’ai passé dans le bois pour avoir de l’ombre. J’allais… j’allais jusqu’aux vieux murs du pavillon. — Ah ! fit Pitou, du pavillon… quel pavillon ? Catherine rougit encore. C’était trop affecté cette fois pour qu’elle y crût.

— Le pavillon de Charny, dit-elle en affectant aussi la tranquillité. C’est là que pousse la meilleure joubarbe du pays. — Oui-da ! — Je m’étais brûlée à la lessive, et j’avais besoin de feuilles. Ange, comme s’il eut cherché à croire, le malheureux ! jeta un regard sur les mains de Catherine.