Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/67

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d’orgueil à notre héros ; mais ce mouvement d’orgueil fut bientôt tempéré par l’idée qu’il serait obligé d’aller à la danse sans souliers, ou avec ses vieux souliers, qui ne cadreraient plus du tout avec le reste de son costume. Mais cette inquiétude fut de courte durée. Une paire de souliers que l’on envoyait en même temps au père Billot fit l’affaire. Il se trouva par bonheur que le père Billot et Pitou avaient le même pied, ce que l’on cacha avec soin au père Billot, de peur de l’humilier.

Pendant que Pitou était en train de revêtir cette somptueuse toilette, le perruquier entra. Il divisa les cheveux jaunes de Pitou en trois masses : l’une, et c’était la plus forte, qu’il destinait à retomber sur son habit, sous la forme d’une queue ; les deux autres, qui eurent mission d’accompagner les deux tempes, sous le nom peu poétique d’oreilles de chien : mais, que voulez-vous, c’était le nom.

Maintenant, avouons une chose : c’est que lorsque Pitou, peigné, frisé, avec son habit et sa culotte bleu de ciel, avec sa veste rose et sa chemise à jabot, avec sa queue et ses oreilles de chien, se regarda dans la glace, il eut grand’peine à se reconnaître lui-même, et se retourna pour voir si Adonis en personne ne serait pas redescendu sur la terre.

Il était seul. Il se sourit gracieusement ; et, la tête haute, les pouces sur les goussets, il dit, en se dressant sur ses orteils :

— Nous verrons ce monsieur de Charny !…

Il est vrai qu’Ange Pitou, sous son nouveau costume, ressemblait comme deux gouttes d’eau, non pas à un berger de Virgile, mais à un berger de Vatteau.

Aussi, le premier pas que Pitou fit en entrant dans la cuisine de la ferme fut un triomphe.

— Oh ! voyez donc, maman, s’écria Catherine, comme Pitou est bien ainsi ! — Le fait est qu’il n’est pas reconnaissable, dit madame Billot.

Malheureusement, de l’ensemble qui avait frappé Catherine, la jeune fille passa aux détails. Pitou était moins bien dans les détails que dans l’ensemble.

— Oh ! c’est drôle, dit Catherine, comme vous avez de grosses mains !

— Oui, dit Pitou, j’ai de fières mains, n’est-ce pas ? — Et de gros genoux. — C’est preuve que je dois grandir. — Mais il me semble que vous êtes bien assez grand, monsieur Pitou. — C’est égal, je grandirai encore ; je n’ai que dix-sept ans et demi. — Et pas de mollets. — Ah ! ça c’est vrai, pas du tout ; mais ils pousseront. — Faut espérer, dit Catherine. C’est égal, vous êtes très-bien !

Pitou salua.

— Oh ! oh ! dit le fermier en entrant et en regardant Pitou à son tour. Comme te voilà brave, mon garçon. Je voudrais que la tante Angélique