Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/130

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afin que son frère, qui était à vingt pas de là, gardé par les autres nègres, ne l’entendît pas.

— Laquelle ?

— Nazim est faible ! Nazim est un enfant ! Nazim est blessé à la tête et a perdu beaucoup de sang ! Nazim peut n’être pas assez fort pour supporter la punition qu’il a méritée ! il peut mourir sous le fouet ! Et vous aurez perdu un nègre qui, à tout prendre, vaut bien deux cents piastres…

— Eh bien ! où en veux-tu venir ?

— Je veux vous proposer un échange.

— Lequel ?

— Faites-moi donner à moi les cent cinquante coups de fouet qu’il a mérités. Je suis fort, je les supporterai ; et cela ne m’empêchera pas d’être demain à mon travail comme d’habitude, tandis que lui, je vous le répète, c’est un enfant, il en mourrait.

— Cela ne se peut pas, répondit monsieur de Malmédie, tandis que Sara, les yeux toujours fixés sur cet homme, le regardait avec le plus profond étonnement.

— Et pourquoi cela ne se peut-il pas ?

— Parce que ce serait une injustice.

— Vous vous trompez, car c’est moi qui suis le véritable coupable.

— Toi !

— Oui, moi, dit Laïza ; c’est moi qui ai excité Nazim à fuir ; c’est moi qui ai creusé le canot dont il s’est servi, c’est moi qui lui ai rasé la tête avec un verre de bouteille, c’est moi qui lui ai donné de l’huile de coco pour se frotter le corps. Vous voyez donc bien que c’est moi qui dois être puni et non pas Nazim.

— Tu te trompes, répondit Henri se mêlant à son tour à la discussion. Vous devez être punis tous les deux, lui pour avoir fui, toi pour l’avoir aidé à fuir.

— Alors faites-moi donner, à moi, les trois cents coups de fouet, et que tout soit dit.

— Commandeur, dit monsieur de Malmédie, faites donner à chacun de ces drôles cent cinquante coups de fouet, et que cela finisse.