Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/131

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— Un instant, mon oncle, dit Sara ; je réclame la grâce de ces deux hommes.

— Et pourquoi cela ? demanda monsieur de Malmédie étonné.

— Parce que cet homme est celui qui, ce matin, s’est si bravement jeté à l’eau pour me sauver.

— Elle m’a reconnu ! s’écria Laïza.

— Parce qu’au lieu d’une punition qu’il mérite, c’est une récompense qu’il lui faut accorder, s’écria Sara.

— Alors, dit Laïza, si vous croyez que j’aie mérité une récompense, accordez-moi la grâce de Nazim.

— Diable ! diable ! dit monsieur de Malmédie, comme tu y vas ! Est-ce toi qui as sauvé ma nièce ?

— Ce n’est pas moi, répondit le nègre ; sans le jeune chasseur elle était perdue.

— Mais il a fait ce qu’il a pu pour me sauver, mon oncle. Mais il a lutté contre le requin, s’écria la jeune fille. Eh ! tenez, voyez ! voyez ces blessures qui saignent encore.

— J’ai lutté contre le requin, mais à mon corps défendant, reprit Laïza. Le requin est revenu sur moi, et j’ai dû le tuer pour me sauver moi-même.

— Eh bien ! mon oncle, me refuserez-vous leur grâce ? demanda Sara.

— Oui, sans doute, répondit monsieur de Malmédie ; car s’il y avait une fois exemple de grâce faite en pareille occasion, ils s’enfuiraient tous, ces moricauds-là, espérant toujours qu’il y aura quelque jolie bouche comme la vôtre qui intercédera pour eux.

— Mais, mon oncle…

— Demande à tous ces messieurs si la chose est possible, dit monsieur de Malmédie en se retournant avec l’accent de la confiance vers les jeunes gens qui accompagnaient son fils.

— Le fait est, répondirent ceux-ci, qu’une pareille grâce serait un désastreux exemple.

— Tu le vois, Sara !

— Mais un homme qui a risqué sa vie pour moi, dit Sara, ne peut cependant pas être puni le jour même où il l’a risquée ; car, si vous lui devez une punition, je lui dois, moi, une récompense.