Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/194

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neur, en signe de bonne arrivée, avait ajouté des courses dont, dans sa générosité aristocratique, il se réservait de donner les prix, à la condition que les propriétaires des chevaux courraient eux-mêmes, comme c’est l’habitude des gentilshommes readers en Angleterre.

Or, comme on le voit, tout concourait à ce que le plaisir qu’on se promettait effaçât le désagrément qu’on venait d’éprouver. Aussi, le surlendemain de l’ouragan, les préparatifs de la fête commençaient déjà à succéder aux préoccupations de la catastrophe.

Sara, seule, contre son habitude, absorbée qu’elle était dans des pensées inconnues à ceux qui l’entouraient, paraissait ne prendre aucun intérêt à une solennité qui, les années précédentes, avait cependant bien vivement préoccupé sa jeune coquetterie. En effet, l’aristocratie de l’Île de France tout entière avait coutume d’assister aux courses ainsi qu’au yamsé, soit dans des tribunes élevées exprès, soit dans des calèches découvertes : dans l’un comme dans l’autre cas, c’était une occasion pour les belles créoles de Port-Louis d’étaler leur fastueuse élégance. On avait donc droit de s’étonner que Sara, sur laquelle l’annonce d’un bal ou d’un spectacle quelconque produisait d’ordinaire une si profonde impression, demeurât cette fois étrangère à ce qui allait se passer. Mamie Henriette elle-même, qui avait élevé la jeune fille et qui lisait au fond de son âme comme à travers le plus pur cristal, n’y comprenait rien, et en était devenue toute pensive.

Hâtons-nous de dire que mamie Henriette dont nous n’avons pas eu l’occasion, au milieu des graves événements que nous venons de raconter, de signaler la rentrée à Port-Louis, avait eu si grand’peur pendant la nuit de l’ouragan que, quoique souffrante encore de son émotion précédente, elle était partie de la rivière Noire, immédiatement après que le vent eut cessé, et était arrivée dans la journée au Port-Louis : elle était donc depuis la surveille réunie à son élève dont, comme nous l’avons dit plus haut, la préoccupation inaccoutumée commençait à l’inquiéter sérieusement.

C’est qu’il s’était fait depuis trois jours un grand changement dans la vie de la jeune fille : du moment où, pour la