Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/237

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gion-d’Honneur et de Charles III ; de son côté, Antrim, couvert d’une magnifique housse rouge, frémissait sous son maître, impatient et orgueilleux à la fois.

— Mais, s’écria Antonio, qui nous répondra de lui ?

— Moi, dit Laïza.

— A-t-il vécu avec nous, connaît-il nos désirs, connaît-il nos besoins ?

— Non, il n’a pas vécu avec nous, mais il a vécu avec les blancs, dont il a étudié les sciences. Oui, il connaît nos désirs et nos besoins, car nous n’avons qu’un besoin et qu’un désir, la liberté.

— Qu’il commence donc par la rendre à ses trois cents esclaves, la liberté.

— C’est déjà fait depuis ce matin, dit Georges.

— Oui, oui, crièrent des voix dans la foule, oui, nous libres, maître Georges a donné liberté à nous.

— Mais il est lié avec les blancs, dit Antonio.

— En face de vous tous, répondit Georges, j’ai rompu avec eux hier.

— Mais il aime une fille blanche, dit Antonio.

— Et c’est un triomphe de plus pour nous autres hommes de couleur, répondit Georges, car la fille blanche m’aime.

— Mais si on vient la lui offrir pour femme, reprit Antonio, il nous trahira, nous, et pactisera avec les blancs.

— Si on vient me l’offrir pour femme, je la refuserai, répondit Georges, car je veux la tenir d’elle seule, et n’ai besoin de personne pour me la donner.

Antonio voulut faire une nouvelle objection, mais les cris de : vive Georges ! vive notre chef ! retentirent de tous côtés et couvrirent sa voix de telle façon qu’il ne put prononcer une parole.

Georges fit signe qu’il voulait parler ; chacun se tut.

— Mes amis, dit-il, voilà le jour et par conséquent l’heure de nous séparer. Jeudi est jour de fête ; jeudi vous êtes tous libres ; jeudi, à huit heures du soir, ici, au même endroit, j’y serai, je me mettrai à votre tête, et nous marcherons sur la ville.

— Oui, oui ! crièrent toutes les voix.

— Un mot encore : s’il y avait un traître parmi nous, décidons que, lorsque sa trahison sera prouvée, chacun de nous