Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

drez à moi, Sara, malgré tous les obstacles, tous les empêchements, tous les préjugés. Je sais que je n’ai qu’à vous attendre et que je vous verrai un jour apparaître, et je sais cela justement parce que le sacrifice étant de votre côté, vous avez déjà décidé, dans votre généreuse pensée, que vous me feriez ce sacrifice ; mais, quant à vous, monsieur de Malmédie, quant à votre fils, quant à monsieur Henri, qui consent à ne pas se battre avec moi à la condition qu’il me fera fouetter par ses amis ; oh ! entre nous, c’est une guerre éternelle, entendez-vous ; c’est une haine mortelle qui ne s’éteindra de ma part que dans le sang ou dans le mépris : que votre fils choisisse donc.

— Monsieur le gouverneur, répondit alors monsieur de Malmédie avec plus de dignité qu’on n’aurait pu en attendre de sa part, vous le voyez, de mon côté j’ai fait ce que j’ai pu, j’ai sacrifié mon orgueil, j’ai oublié l’ancienne injure et l’injure nouvelle, mais je ne puis convenablement faire davantage, et il faut que je m’en tienne à la déclaration de guerre que me fait monsieur. Seulement nous attendrons l’attaque en nous tenant sur la défense. Maintenant, mademoiselle, continua monsieur de Malmédie en se tournant vers Sara, comme le dit monsieur, vous êtes libre, libre de votre cœur, libre de votre main, libre de votre fortune ; faites donc à votre volonté ; restez avec monsieur, ou suivez-moi.

— Mon oncle, dit Sara, il est de mon devoir de vous suivre. Adieu, Georges ; je ne comprends rien à ce que vous avez fait aujourd’hui ; mais sans doute que vous avez fait ce que vous deviez faire.

Et, faisant une révérence pleine de calme et de dignité au gouverneur, Sara sortit avec monsieur de Malmédie.

Lord Williams Murrey les accompagna jusqu’à la porte, sortit avec eux et rentra un instant après.

Son regard interrogateur rencontra le regard ferme de Georges, et il y eut un instant de silence entre ces deux hommes qui, grâce à leur nature élevée, se comprenaient si bien l’un l’autre.

— Ainsi, dit le gouverneur, vous avez refusé.

— J’ai cru devoir agir ainsi, milord.