Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/281

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exercée de Laïza : chasseur sauvage, et par conséquent homme de la solitude et voyageur de la nuit, la nuit et la solitude avaient peu de mystères pour ses yeux et de secrets pour ses oreilles : il reconnaissait le grignotement du tanrec rongeant ses racines d’arbres, les pas du cerf se rendant à la source accoutumée, ou le battement des ailes de la chauve-souris dans la clairière, et deux heures s’écoulèrent sans qu’aucun de ces bruits pût le tirer de son immobilité.

Au reste, chose étrange, c’était dans cette partie de la montagne, qu’habitaient alors deux cents hommes à peu près, que le silence était le plus absolu, et que la solitude semblait la plus parfaite. Les douze nègres de Laïza étaient couchés la face contre terre, de façon à ce que lui-même les distinguait à peine dans l’obscurité rendue plus épaisse encore par l’ombre des arbres, et quoique quelques uns dormissent, on eût dit que pendant leur sommeil même, la prudence retenait leur souffle qu’on pouvait entendre à peine. Quant à lui, appuyé tout debout contre un énorme tamarinier dont les branches flexibles se projetaient, non seulement sur le chemin qui longeait les rochers, mais encore sur le précipice qui s’étendait au delà du chemin, il pouvait défier l’œil le plus exercé de distinguer son corps du tronc de l’arbre géant avec lequel, grâce à la nuit et à la couleur de sa peau, il était entièrement confondu.

Laïza se tenait depuis une heure à peu près dans ce silence et dans cette immobilité, lorsqu’il entendit derrière lui le bruit que faisaient les pas de plusieurs hommes sur une terre toute parsemée de cailloux et de branches sèches ; d’ailleurs, ces pas, quoique retenus, ne semblaient pas avoir la prétention de se dissimuler tout à fait : il se retourna donc avec assez d’insouciance, comprenant que ce devait être une patrouille qui venait à lui. En effet, ses yeux habitués aux ténèbres distinguèrent bientôt six ou huit hommes qui s’approchaient, et à la tête desquels, à sa grande taille et aux vêtements qui le couvraient, il reconnut Pierre Munier.

Laïza sembla se détacher de l’arbre contre lequel il était appuyé et marcha a lui.

— Eh bien ! lui dit-il, les hommes que vous avez envoyés à la découverte sont-ils revenus ?