Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/291

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dements, et quand j’y manquerai, quand je commettrai la moindre faute, eh bien ! alors tu me puniras, et je supporterai le fouet, les verges, la corde, sans me plaindre, et je dirai que tu es un bon maître, car tu m’as donné la vie. Oh ! la vie ! Laïza, la vie !

— Écoute, Antonio, dit Laïza, entends-tu les aboiements de ce chien ?

— Oui ! et tu crois que c’est moi qui ai donné le conseil de le détacher ? Eh bien ! non ! tu te trompes, je te le jure.

— Antonio, dit Laïza, cette idée ne serait pas venue même à un blanc de se servir d’un chien pour poursuivre son propre maître ; Antonio, cette idée est encore de toi.

Le Malaï poussa un profond gémissement, puis au bout d’un instant, comme s’il eût espéré fléchir son ennemi à force d’humilité.

— Eh bien ! oui ! dit-il, c’est moi, le Grand-Esprit m’avait abandonné, l’orgueil de la vengeance m’avait rendu fou. Il faut avoir pitié d’un fou, Laïza, au nom de ton frère Nazim, pardonne-moi !

— Et qui encore avait dénoncé Nazim, lorsque Nazim a voulu fuir ? — Ah ! Voilà un nom que tu as eu bien tort de prononcer, Antonio. Antonio, les cinq minutes sont écoulées. — Malaï, tu vas mourir.

— Oh ! non ! non ! non ! moi pas mourir ! dit Antonio, grâce, Laïza ! grâce, mes amis, grâce !

Mais sans écouter les plaintes, les supplications et les prières du condamné, Laïza tira son couteau, et d’un seul coup trancha tous les liens qui retenaient Antonio ; au même instant, et sur un ordre de lui, les deux hommes lâchèrent la branche qui se tendit, enlevant avec elle le malheureux Antonio.

Un cri terrible, un cri suprême, un cri dans lequel semblaient s’être réunies toutes les forces du désespoir, retentit et alla se perdre, lugubre, solitaire, désolé, dans les profondeurs des forêts : tout était fini, et le corps d’Antonio n’était plus qu’un cadavre se balançant au bout d’une corde au-dessus du précipice.

Laïza resta un instant encore immobile et regardant le mouvement de vibration de la corde, qui se calmait peu à peu ; puis, lorsqu’elle fut arrivée à peu près à tracer sur l’azur du