Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/295

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des Anglais qui continuaient de marcher comme à une parade, quoique à chaque pas qu’ils fissent ils fussent obligés de resserrer les rangs. Enfin il comprit que, pour cette fois, ils ne reculeraient plus, et que, dans cinq minutes, malgré le feu qui en sortait, ils allaient aborder les retranchements. Alors l’idée que c’était pour lui, pour lui, forcé de rester spectateur impassible du combat, que tous ces hommes allaient se faire tuer, se présenta à son esprit comme un remords ; il essaya de faire un pas en avant pour se jeter entre les combattants, et, en se livrant, puisque, selon toute probabilité, c’était à lui seul qu’on en voulait, faire cesser le carnage ; mais il sentit qu’il ne pourrait parcourir un tiers de la distance qui le séparait des Anglais. Il voulut crier aux assiégés de cesser le feu, aux assiégeants de ne pas aller plus loin, et qu’il se rendait ; mais sa voix affaiblie se perdit dans le bruit de la fusillade. D’ailleurs, dans ce moment, il vit son père se lever tout debout, et, de la moitié de sa taille, dépasser la hauteur des retranchements ; puis, une branche de sapin enflammée à la main, faire quelques pas à la rencontre des Anglais ; puis, au milieu du feu et de la fumée, approcher de la terre l’étrange flambeau. Aussitôt une traînée de flamme courut sur la terre et disparut en s’enfonçant dans le sol ; enfin, au même instant, la terre s’agita, une explosion terrible se fit entendre, un cratère flamboyant s’ouvrit sous les pieds des Anglais, la voûte de la caverne s’ouvrit et s’affaissa, les rochers qui pesaient sur elle s’enfoncèrent avec elle, et, aux cris du reste du régiment encore de l’autre côté de l’ouverture, le passage souterrain disparut dans un immense chaos.

— Et maintenant, dit Laïza, pas un instant à perdre !

— Ordonne, que faut-il faire ?

— Fuyez vers Grand-Port, tâchez de trouver asile dans un vaisseau français ; moi, je me charge de Georges.

— Je te l’ai dit, je ne quitterai pas mon fils.

— Et moi, je vous l’ai dit, vous le quitterai, car, en restant, vous le perdez.

— Comment cela ?

— Avec votre chien qu’ils ont toujours, ils vous suivent partout, vous relancent au plus sombre des forêts, vous