Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/300

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quet de bois, plus touffu que le reste de la forêt, et sur lequel ses yeux inquiets s’étaient déjà plus d’une fois arrêtés, s’enflamma, une vive fusillade se fit entendre, cinq ou six balles sifflèrent autour de lui. Un des nègres tomba la face dans le feu, les trois autres se levèrent ; mais au bout de cinq ou six pas l’un d’eux tomba à son tour, puis un autre encore à dix pas de là. Le quatrième seul s’enfuit sain et sauf et disparut dans le bois.

À l’aspect de la fumée, au bruit des coups, au sifflement des balles, Laïza n’avait fait qu’un bond de l’endroit où il se trouvait jusqu’au brancard de Georges ; et, prenant le blessé dans ses bras, comme il eût fait d’un enfant, il s’élança à son tour dans la forêt sans que sa course parût un instant ralentie par le fardeau qu’il portait.

Mais aussitôt, huit ou dix soldats anglais, escortés de cinq ou six nègres, bondirent hors du bouquet de bois et se mirent à la poursuite des fugitifs, dans l’un desquels ils avaient reconnu Georges qu’ils savaient blessé. — Comme l’avait prévu Laïza, le sang les avait guidés. Ils étaient venus suivant sa trace, ils étaient arrivés à demi-portée de fusil de l’ajoupa, et là ils avaient ajusté à coup posé et, comme on l’a vu, bien ajusté, puisque trois nègres sur quatre avaient été, sinon tués, du moins mis hors de combat.

Alors commença une course désespérée, car, quelle que fût la force et l’agilité de Laïza, il était évident que s’il ne parvenait pas à se faire perdre de vue par ceux qui le poursuivaient, ceux-ci finiraient par le rejoindre ; malheureusement il courait deux chances presque également fatales ; en s’enfonçant dans les grandes épaisseurs, les bois pouvaient devenir tellement touffus qu’il lui fût presque impossible d’aller plus loin ; en se jetant dans les clairières, il se livrait à la fusillade de ses ennemis : cependant il préféra ce dernier parti.

Dans les premières minutes, et par la puissance de son élan, Laïza s’était trouvé presque hors de portée, et s’il n’eût eu affaire qu’à des Anglais, sans doute il leur eût échappé ; mais quoique ce fût à regret peut-être que les nègres le poursuivissent, comme ils étaient poussés par les baïonnettes des soldats, il leur fallait marcher ; ils couraient