Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/312

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nal, qu’on avait réveillé tel ou tel condamné le jour de son exécution, souvent, disons-nous, Georges s’était demandé si ce condamné, qu’on était obligé de réveiller, était bien réellement endormi. Le moment était venu de s’en assurer par lui-même. Et sur ce point encore, Georges allait savoir à quoi s’en tenir.

À neuf heures le prêtre rentra. Georges était couché et lisait. Le prêtre lui demanda quel était le livre dans lequel il cherchait ainsi une préparation à la mort, si c’était le Phedon ou la Bible, Georges le lui tendit : c’était Paul et Virginie.

Chose étrange que, dans ce moment terrible, ce fût justement cette calme et poétique histoire que le condamné avait été choisir !

Le prêtre resta jusqu’à onze heures avec Georges. Pendant ces deux heures ce fut presque toujours Georges qui parla, expliquant au prêtre comment il comprenait Dieu, et développant ses théories sur l’immortalité de l’âme : dans l’état ordinaire de la vie, Georges était éloquent ; pendant cette soirée suprême, il fut sublime.

C’était le condamné qui enseignait ; c’était le prêtre qui écoutait.

À onze heures, Georges rappela au prêtre que l’heure était venue de se retirer, et lui fit observer que, pour avoir toutes ses forces le lendemain matin, il avait besoin de prendre quelque repos.

Au moment où le vieillard sortit, un violent combat parut se livrer dans le cœur de Georges ; il rappela le prêtre, le prêtre rentra, mais Georges fit un effort sur lui-même.

— Rien, dit-il, mon père, rien.

Georges mentait ; c’était toujours le nom de Sara qui demandait à s’échapper de sa bouche.

Mais, cette fois encore, le vieillard sortit sans l’avoir entendu.

Le lendemain, lorsqu’à cinq heures et demie le guichetier entra dans la chambre de Georges, il trouva Georges profondément endormi.

— C’était vrai, dit Georges en se réveillant, un condamné peut dormir sa dernière nuit.