Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/314

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Le geôlier entra annonçant au condamné qu’il était six heures.

— Mon cher docteur, dit Georges, voulez-vous permettre que je sorte du bain ? — Cependant ne vous éloignez pas, je serai bien aise de vous serrer la main avant de quitter la prison.

Le docteur se retira.

Georges, resté seul, sortit du bain, passa un pantalon blanc, des bottes vernies, et une chemise de batiste dont il rabattit lui-même le col, puis il s’approcha d’une petite glace, arrangea ses cheveux, sa moustache, sa barbe avec autant et même plus de soin qu’il n’eût fait pour aller dans un bal.

Puis il alla frapper lui-même à la porte pour indiquer qu’il était prêt.

Le prêtre entra et regarda Georges. Jamais le jeune homme n’avait été si beau : ses yeux jetaient des flammes, son front semblait rayonnant.

— Ô mon fils ! mon fils ! dit le prêtre, gardez-vous de l’orgueil ; l’orgueil a perdu votre corps, prenez garde qu’il ne perde encore votre âme.

— Vous prierez pour moi, mon père, dit Georges, et Dieu, j’en suis sûr, n’a rien à refuser aux prières d’un saint homme comme vous.

Georges alors aperçut le bourreau qui se tenait dans l’ombre de la porte.

— Ah ! c’est vous, mon ami ? dit-il ; approchez.

Le nègre était enveloppé dans un grand manteau et cachait sa hache sous son manteau.

— Votre hache coupe bien ? demanda Georges.

— Oui ! répondit le bourreau, soyez tranquille.

— C’est bon ! dit le condamné.

Il aperçut alors que le nègre cherchait à sa main le diamant qu’il lui avait promis la veille, et dont, par hasard, le chaton était tourné en dedans.

— Soyez tranquille à votre tour, dit-il en tournant le chaton en dehors, vous aurez votre bague ; d’ailleurs, pour que vous n’ayez pas la peine de la prendre, tenez…

Et il donna la bague au prêtre en lui indiquant d’un signe qu’elle était destinée au bourreau.