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— Branle-bas de combat ! cria-t-il de toute la force de ses poumons.

Aussitôt on entendit résonner dans la batterie le roulement de deux tambours et les notes aiguës d’un fifre. Bientôt les trois musiciens parurent sur le pont, sortant par une écoutille, firent le tour du bâtiment et rentrèrent par l’écoutille opposée.

L’effet de cette apparition et du mélodieux concert qui en était la suite fut magique.

En un instant chacun est au poste désigné d’avance et armé des armes légères qui lui sont dévolues ; les gabiers de combat s’élancent dans les hunes avec leurs carabines. La mousqueterie se range sur les gaillards et les passavants, les espingoles sont montées sur leurs chandeliers, les canons sont démarrés et mis en batterie, des provisions de grenades sont faites dans tous les endroits d’où l’on pourra les faire pleuvoir sur le pont ennemi. Enfin le maître de manœuvre fait bosser toutes les écoutes, établir des serpenteaux dans la mâture, et hisser à leur place les gradins d’abordage.

L’activité n’était pas moins grande dans l’intérieur du bâtiment que sur le pont. Les soutes à poudre sont ouvertes, les fanaux des puits sont allumés, la barre de rechange est disposée, enfin les cloisons sont abattues, la chambre du capitaine déménagée, et l’on y roule deux pièces de canon qu’on établit en retraite.

Puis il se fit un grand silence. Jacques vit que tout était prêt et commença son inspection.

Chaque homme était à son poste et chaque chose à sa place.

Néanmoins, comme Jacques comprenait que la partie qu’il allait jouer était une des plus sérieuses qu’il eût faites de sa vie, l’inspection dura une demi-heure. Pendant cette inspection, il examina chaque chose et parla à chaque homme.

Lorsqu’il remonta sur le pont, la frégate avait encore visiblement gagné sur lui, et les deux bâtiments n’étaient plus qu’à un mille et demi de distance.

Une demi-heure s’écoula encore pendant laquelle il n’y eut certes pas dix paroles échangées à bord de la corvette ; toutes les facultés de l’équipage, des chefs et des passagers semblaient s’être concentrées dans leurs yeux.