répéter encore une fois, afin que j’apprécie à la fois et la portée qu’elles ont et l’intention qui les a dictées.
— J’ai dit, répondit Georges avec la plus parfaite tranquillité, j’ai dit en vous voyant faire mouche à tout coup, que vous ne seriez pas si sûr de votre main ni de votre œil, si l’un et l’autre, au lieu d’avoir à diriger une balle contre la plaque, devaient la diriger contre la poitrine d’un homme.
— Et pourquoi cela, je vous prie ? demanda le tireur.
— Parce qu’il me semble qu’il doit toujours y avoir, au moment où l’on fait feu sur son semblable, une certaine émotion qui peut déranger le coup.
— Vous êtes-vous battu souvent en duel, monsieur ? demanda le tireur.
— Jamais, répondit Georges.
— Alors il ne m’étonne pas que vous supposiez qu’en pareille circonstance on puisse avoir peur, reprit l’étranger avec un sourire où perçait une légère teinte d’ironie.
— Excusez-moi, monsieur, répondit Georges, mais vous m’avez mal compris, je crois : il me semble qu’au moment de tuer un homme, on peut trembler d’autre chose que de peur.
— Je ne tremble jamais, monsieur, dit le tireur.
— C’est possible, répondit Georges avec le même flegme, mais je n’en suis pas moins convaincu qu’à vingt-cinq pas, c’est-à-dire qu’à la même distance où vous faites mouche à tout coup…
— Eh bien ! qu’à vingt-cinq pas ?… dit l’étranger.
— À vingt-cinq pas, vous manqueriez un homme, reprit Georges.
— Et moi je suis sûr du contraire, monsieur.
— Permettez-moi de ne pas vous croire sur parole.
— Alors c’est un démenti que vous me donnez ?
— Non, c’est un fait que j’établis.
— Mais dont, je suppose, vous hésiteriez à faire l’expérience, reprit en ricanant le tireur.
— Pourquoi cela ? répondit Georges en le regardant fixement.
— Mais sur un autre que sur vous, je présume.
— Sur un autre ou sur moi-même, peu importe.