Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/15

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— Ne parle pas, dit une voix à gauche, ou tu es mort !

Le voyageur s’inclina sans parler.

— Mais si tu as peur, articula une troisième voix qui, pareille à celle du père d’Hamlet, semblait sortir des entrailles de la terre, si tu as peur, reprends le chemin de la plaine, cela signifiera que tu renonces, et on te laissera retourner d’où tu viens.

Le voyageur se contenta de faire un geste de la main, et continua sa route.

La nuit était si sombre et la forêt si épaisse, que, malgré la lueur qui le guidait, le voyageur n’avançait qu’en trébuchant. Durant une heure à peu près, la flamme marcha, et le voyageur la suivit sans faire entendre un murmure, sans donner un signe de crainte.

Tout à coup elle disparut.

Le voyageur était hors de la forêt. Il leva les yeux ; à travers le sombre azur du ciel scintillaient quelques étoiles.

Il continua de marcher en avant dans la direction où avait disparu la lumière, mais bientôt il vit surgir devant lui une ruine, spectre d’un vieux château.

En même temps son pied heurta des décombres.

Aussitôt un objet glacé se colla sur ses tempes et mura ses yeux. Dès lors il ne vit plus même les ténèbres.

Un bandeau de linge mouillé emprisonnait sa tête. C’était chose convenue sans doute, c’était au moins chose à laquelle il s’attendait, car il ne fit aucun effort pour enlever ce bandeau. Seulement il étendit silencieusement la main comme fait un aveugle qui réclame un guide.

Ce geste fut compris, car à l’instant même une main froide, aride, osseuse, se cramponna aux doigts du voyageur.

Il reconnut que c’était la main décharnée d’un squelette ; mais si cette main eût été douée du sentiment, elle eût, de son côté, reconnu que la sienne ne tremblait pas.

Alors le voyageur se sentit rapidement entraîné pendant l’espace de cent toises.

Soudain la main quitta la sienne, le bandeau s’envola de son front, et l’inconnu s’arrêta : il était arrivé au sommet du mont Tonnerre.