Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/18

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— Je ne crains rien.

— Une fois que tu auras fait encore un pas en avant, il ne te sera plus permis de retourner en arrière. Songes-y.

— Je ne m’arrêterai qu’en touchant le but.

— Es-tu prêt à jurer ?

— Dictez-moi le serment et je le répéterai.

Le président leva la main, et d’une voix lente et solennelle prononça les paroles suivantes :

— « Au nom du Fils crucifié, jurez de briser les liens charnels qui vous attachent encore à père, mère, frères, sœurs, femme, parents, amis, maîtresses, rois, bienfaiteurs, et à tout être quelconque à qui vous auriez promis foi, obéissance ou service. »

Le voyageur, d’une voix ferme, répéta les paroles qui venaient de lui être dictées par le président qui, passant au deuxième paragraphe du serment, reprit avec la même lenteur et la même solennité :

— « De ce moment vous êtes affranchi du prétendu serment fait à la patrie et aux lois : jurez donc de révéler au nouveau chef que vous reconnaissez ce que vous avez vu ou fait, lu ou entendu, appris ou deviné, et même de rechercher et d’épier ce qui ne s’offrirait pas à vos yeux. »

Le président se tut, et l’inconnu répéta les paroles qu’il venait d’entendre.

— « Honorez et respectez l’aqua toffana, reprit le président sans changer de ton, comme un moyen prompt, sur et nécessaire de purger le globe par la mort ou l’hébétation de ceux qui cherchent à avilir la vérité ou à l’arracher de nos mains. »

Un écho n’eût pas plus fidèlement reproduit ces paroles que ne le fit l’inconnu ; le président reprit :

— « Fuyez l’Espagne, fuyez Naples, fuyez toute terre maudite, fuyez la tentation de rien révéler de ce que vous allez voir et entendre, car le tonnerre n’est pas plus prompt à frapper que ne le sera à vous atteindre, en quelque lieu que vous soyez, le couteau invisible et inévitable.

« Vivez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »