— Et M. de Sartines refuse de retrouver le sorcier ? Il a tort.
— Sire, je ne refuse pas, je ne peux pas.
— Ah ! monsieur le lieutenant, voici un mot qui ne devrait pas être dans le dictionnaire de la police, dit la comtesse.
— Madame, on est sur sa trace.
— Ah ! oui, la phrase sacramentelle.
— Non pas, c’est la vérité. Mais, vous comprenez, c’est un bien faible renseignement que vous donnez là.
— Comment ! jeune, beau, le teint brun, les cheveux noirs, des yeux magnifiques, une voix sonore.
— Peste ! comme vous en parlez, comtesse. Sartines, je vous défends de retrouver ce gaillard-là.
— Vous avez tort, sire, car je n’ai à lui demander qu’un simple renseignement.
— C’est donc de vous qu’il est question ?
— Sans doute.
— Eh bien ! qu’avez-vous à lui demander encore ? sa prédiction s’est accomplie.
— Vous trouvez ?
— Sans doute. Vous êtes reine.
— À peu près.
— Il n’a donc plus rien à vous dire.
— Si fait. Il a à me dire quand cette reine sera présentée. Ce n’est pas le tout que de régner la nuit, sire, il faut bien régner aussi un peu le jour.
— Cela ne regarde pas le sorcier, dit Louis XV allongeant les lèvres en homme qui voit passer la conversation sur un terrain malencontreux.
— Et de qui cela dépend-il donc ?
— De vous.
— De moi ?
— Oui, sans doute. Trouvez une marraine.
— Parmi vos bégueules de la cour ? Votre Majesté sait bien que c’est impossible ; elles sont toutes vendues aux Choiseul, aux Praslin.
— Allons, je croyais qu’il était convenu que nous ne parlerions plus ni de l’un ni de l’autre.