Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ce moment même, une lumière brilla à travers le feuillage.

— Ah ! ah ! fit l’inconnu, qu’est-ce que cela ?

— C’est Taverney.

— Nous sommes donc arrivés ?

— Voici la porte charretière.

— Ouvrez-la.

— Oh ! Monsieur, la porte de Taverney ne s’ouvre pas comme cela.

— Mais c’est donc une place de guerre que votre Taverney ? Voyons, frappez.

Gilbert s’approcha de la porte, et avec l’hésitation de la timidité il frappa un coup.

— Oh ! oh ! dit le voyageur, on ne vous entendra jamais, mon ami ; frappez plus fort.

En effet, rien n’indiquait que l’appel de Gilbert eût été entendu. Tout restait dans le silence.

— Vous prenez la chose sur vous ? dit Gilbert.

— N’ayez pas peur.

Gilbert n’hésita plus ; il quitta le marteau et se pendit à la sonnette, qui rendit un son tellement éclatant qu’on eût pu l’entendre d’une lieue.

— Ma foi ! si votre baron n’a pas entendu cette fois, il faut qu’il soit sourd, dit le voyageur.

— Ah ! voilà Mahon qui aboie, dit le jeune homme.

— Mahon ! reprit le voyageur ; c’est sans doute une galanterie de votre baron en faveur de son ami le duc de Richelieu.

— Je ne sais pas, monsieur, ce que vous voulez dire.

— Mahon est la dernière conquête du maréchal.

Gilbert poussa un second soupir.

— Hélas ! monsieur, je vous l’ai déjà avoué, je ne sais rien, dit-il.

Ces deux soupirs résumaient pour l’étranger une série de souffrances cachées et d’ambitions comprimées sinon déçues. En ce moment un bruit de pas se fit entendre.

— Enfin, dit l’étranger.

— C’est le bonhomme La Brie, dit Gilbert.