— Madame la comtesse ici ! s’écria la plaideuse pâle d’effroi.
— Oui, chère madame, et qui vient vous témoigner toute la part qu’elle prend à votre malheur, dont j’ai été instruite à l’instant même. Racontez-moi donc l’accident, je vous prie.
— Mais je n’ose, madame, vous offrir de vous asseoir en ce taudis.
— Je sais que vous avez un château en Touraine et j’excuse l’hôtellerie.
La comtesse s’assit. Madame de Béarn comprit qu’elle s’installait.
— Vous paraissez beaucoup souffrir, madame ? demanda madame du Barry.
— Horriblement.
— À la jambe droite ? Oh ! Dieu ! mais comment avez-vous donc fait pour vous brûler à la jambe ?
— Rien de plus simple : je tenais la cafetière, le manche a glissé dans ma main, l’eau s’en est échappée bouillante, et mon pied en a reçu la valeur d’un verre.
— C’est épouvantable !
La vieille poussa un soupir.
— Oh ! oui, fit-elle, épouvantable. Mais que voulez-vous, les malheurs vont par troupes.
— Vous savez que le roi vous attendait ce matin ?
— Vous redoublez mon désespoir, madame.
— Sa Majesté n’est point contente, madame, d’avoir manqué à vous voir.
— J’ai mon excuse dans ma souffrance, et je compte bien présenter mes très humbles excuses à Sa Majesté.
— Je ne dis point cela pour vous causer le moindre chagrin, dit madame du Barry, qui voyait combien la vieille était gourmée ; je voulais seulement vous faire comprendre combien Sa Majesté tenait à cette démarche et en était reconnaissante.
— Vous voyez ma position, madame.
— Sans doute ; mais, voulez-vous que je vous dise une chose ?
— Dites ; je serai fort honorée de l’entendre.